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"J'accepte la grande aventure d'être moi "
C'est ce qu' écrivait Simone de Beauvoir à 18 ans
Et ce devrait être le but premier de l'école...réveiller en chaque enfant le désir d'être lui-même, alimenter ses rêves
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"L'invitation au voyage"
Dans ce poème Baudelaire ne réalise pas un voyage à proprement parlé mais il fait plutôt une promesse de voyage épanouissant le rêve à une femme du nom de Marie Daubrun. Il n’est pas surprenant de voir Baudelaire utilisé le thème du voyage dans la poésie étant donné qu’il a passé 10 mois de son adolescence sur un voilier en direction de l’Inde.
Encore une fois, ce poème permet une évasion par l’esprit plutôt que par le corps. Baudelaire ne pouvait ou ne voulait pas voyager physiquement, il utilise donc la poésie pour faire voyager son esprit. Ceci est assez clair dans ce poème car les descriptions du paysage faites sont idéalistes et représentent le rêve de l’auteur. L’aspect d’invitation à un voyage met en valeur le voyage de l’esprit car le poète veut entrainer la femme aimée dans sa propre rêverie.
« L’invitation au voyage »
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble!
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble!
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
— Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Charles Baudelaire, XIXème siècle
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En ce moment,
à l'intérieur de moi,
je suis comme le temps
au dehors.
Tantôt il pleut,
ciel sombre et gris,
un moment après
quelques rayons de soleil
embellissent le paysage...
Tout comme moi
je passe de l'émerveillement
à l'angoisse qui me vrille le coeur...
Mais je garde espoir,
le printemps est là,
il va nous rassénèrer,
nous rappeler à la VIE
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Après avoir fait dans Profession du père (2015), le récit romancé de son enfance avec un père mythomane et violent,
l'écrivain et journaliste Sorj Chalandon publie Enfant de salaud, un roman encore plus ouvertement autobiographique
dans lequel il raconte comment il a découvert la vérité sur son père. En jouant la fiction sur la temporalité,
il entremêle habilement son histoire personnelle avec un événement historique majeur : le procès de Klaus Barbie, en 1987.
Un héros, c’est l’image qu'un fils a de son père, qui l’abreuve depuis l’enfance des récits épiques de ses exploits
de résistant, entre autres. "Il faut que tu saches", lâche son grand-père, un jour de colère, lui annonçant de but en blanc que
son père avait été "du mauvais côté" pendant la guerre; ajoutant qu'il l'a aperçu vêtu de l'uniforme allemand
place Bellecour à Lyon. D’enfant de héros, le fils passe à "enfant de salaud".
Quelques phrases, quelques mots lâchés sans plus d'explication, ouvrent une brèche dans le récit paternel.
Le doute s'imisce dans la tête de l'enfant. Il a dix ans, et n'a désormais plus le droit de voir son grand-père.
Le père, lui, continuera à "fabriquer d'autres vies pour illuminer la sienne".
Plus tard, en 1987, le fils devenu adulte et journaliste couvre pour son journal le procès du criminel de guerre nazi
Klaus Barbie, chef de la Gestapo pendant la guerre à Lyon. "Tu crois que je pourrais assister au procès ?",
lui demande son père. Pendant les témoignages des victimes, le père baille, ou sourit. C'est le moment
que choisit le fils pour ouvrir le dossier judiciaire de son père exhumé à sa demande des archives départementales
du Nord. Le fils y découvre stupéfait que son père a été condamné pour activité anti-française à cinq ans d'indignité
nationale après la Libération. Un collabo aux mille vies, changeant d'uniforme cinq fois en quatre ans :
engagé à 17 ans dans l'armée française, puis dans l'armée d'armistice de Pétain, puis dans la Légion tricolore,
une milice d'extrême-droite, puis dans l'armée allemande, carrément, et enfin la dans la Résistance, à la toute fin,
pour se racheter une conduite.
"Le salaud, c'est le père qui m'a trahi"
Ce dernier roman de Sorj Chalandon résonne comme le dénouement de toute une vie, celle de "l'enfant devenu
journaliste pour comprendre, pour chercher la vérité. Pour qu'on arrête de me mentir", a confié Sorj Chalandon à franceinfo.
Le fils découvre dans ce dossier judiciaire une vie de roman, et la détresse d'"un gamin égaré, qui rêvait d'uniformes
de carnaval et de fusils trop lourds", un gamin sans éducation, un génie du mensonge.
Ce père-là, le fils aurait pu le pardonner s'il avait dit la vérité. "Oui, je suis un enfant de salaud",
mais le salaud n'est pas celui "des guerres en désordre", le salaud, c'est celui qui a trahi,
celui "qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue". Toute sa vie, le fils a attendu la vérité,
celle qui lui aurait permis de se construire et de rencontrer son père.
"Tu m'aurais avoué tout ça, le soir, en confident secret. Peut-être n'aurais-je pas compris, mais tu m'aurais parlé, enfin. Enfin tu te serais débarrassé de ces oripeaux militaires et tu aurais endossé un bel habit d'homme. Un costume de père."
Sorj Chalandon"Enfant de salaud", page 261
Rendez-vous manqués
Pendant que le fils tente de faire dire à son père la vérité, Barbie, lui, a décidé de déserter le box des accusés.
Deux dénis, deux histoires, la grande, et l'intime, s'entrechoquent, sur la scène de ce procès historique.
En faisant coïncider sa guerre, celle qu'il a dû mener contre un père mythomane, "le premier de ses traîtres
le procès d'un grand criminel de guerre, qu'il a suivi à l'époque pour le journal Libération Sorj Chalandon questionne
à la fois sa propre histoire et celle de la France de Vichy, et l'insondable mal qui a conduit pendant la guerre des individus
comme Barbie à torturer avec sadisme les résistants, ou à conduire sans ciller les enfants d'Izieu, et tant d'autres,
vers les camps de la mort.
Enfant de salaud est un chant de désespoir adressé à un père qui n'a pas su aimer son fils, l'histoire aussi d'un double
rendez-vous manqué, celui d'un fils avec son père
Et moi, je me demande :comment peut-on toute sa vie nier la réalité?
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Je découvre cette couverture de Télérama.
D'emblée, elle m'a séduite et quand on lit ce que Fabienne Pascaud nous en dit et que je n'ai pas vu au premier regard,
c'est encore plus clair
"Pour signifier son attachement à l’Ukraine, à la défense de sa liberté et de sa démocratie, Télérama a confié sa couverture au plus grand peintre français d’aujourd’hui, Gérard Garouste. Comment ne pas avoir confiance dans la générosité, la profondeur de son regard pour exprimer nos craintes et nos espoirs ? Notre magazine culturel célèbre chaque semaine les intuitions, les fulgurances des plus singuliers créateurs. Donner carte blanche à Gérard Garouste est aussi une manière d’être fidèle à nous-mêmes.
Puis est venue l’idée de partager avec vous un autre projet, plus ambitieux, grâce à cette couverture : en tirer 300 lithographies numérotées et signées par l’artiste et les vendre 300 euros, à tous ceux et celles d’entre vous qui voudraient soutenir ce pays au bord du chaos. Les sommes recueillies seront reversées à la Croix-Rouge.
Une œuvre d’art pour aider des hommes et des femmes livrés à la tragédie : le geste a enthousiasmé Garouste, qui a bénévolement relevé le défi. Son imprimeur Stéphane Guilbaud-Chaney aussi, qui a décidé d’offrir la fabrication des lithographies. Joint le mardi, le peintre nous a livré jeudi cette magnifique image, se pliant à des contraintes de temps inhabituelles, triomphant de « sa trouille » de ne pas être à la hauteur de pareille responsabilité. Mais heureux d’utiliser ses uniques armes : « mes outils et mes pinceaux ». D’emblée, il a proposé ce long corps juste revêtu des couleurs ukrainiennes, et enchevêtré à un homme-arbre. Ses pieds s’enracinent dans les flammes, la violence, la guerre ; sa tête épouse le ciel, les fleurs mêmes de cet arbre planté au cœur de la tragédie. « Le personnage est double et inversé, avec un aspect négatif (en bas) et positif (en haut). Ce qui m’intéresse est de montrer combien le bien est imbriqué dans le mal et que toute chose nourrit son contraire, comme l’enseigne la kabbale juive. Même s’il ne faut pas oublier que la quête de justice et de liberté est cette fois du côté de l’homme aux couleurs de l’Ukraine. L’essentiel est qu’un tableau suscite des questions. » Fabienne Pascaud
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