• "...Il faudrait comprendre que les seuls livres dignes d'être lus sont ceux qui rendent sensible, non pas dans des phrases explicites, non pas même dans le fil de l'intrigue, mais dans leur texture même, leur tissu de mots, à la fois ce que la vie a d'impossible et ce qu'elle a d'admirable...

    L'art suprême de l'écrivain n'est pas d'oublier, d'effacer le trouble en se tournant vers les fleurs; c'est de tirer du pire un parfum. Ainsi voyons-nous Mozart, en ses opéras, changer toutes choses - les bavardages, les querelles, les farces, et jusqu'aux terreurs et passions les plus noires- en un chant qui mérite plus qu'aucun autre d'être appelé divin: comme s'il faisait courir, à la cime de ses airs, une aigrette de feu, annonçant on ne sait quelle aube inouïe."

                                             Philippe Jaccottet ("Tout n'est pas dit" aux éditions : Le temps qu'il fait)


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  • Antoine Leiris est journaliste;

    Vous n'aurez pas ma haine est son premier livre;

    Sa femme est morte le 13 novembre2015 , assassinée au Bataclan.

    Il a écrit ses pages quelques jours après le drame.

    Son témoignage ne peut laisser indifférent.

    Mais où trouve-t-il cette force?

    Je vous en donne un extrait

    " Vendredi soir vous avez volé la vie d'un être d'exception, l'amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n'aurez pas ma haine; Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a faits à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son coeur.

    Alors non, je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr . Vous l'avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j'aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un oeil méfiant, Que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore."


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  • " " ...Le mal et la beauté constituent les deux extrémités de l'univers vivant, c'est-à-dire du réel : en ne traitant que l'un et en négligeant l'autre, ma vérité ne sera jamais valable. Je comprends d'instinct que sans la beauté, la vie ne vaut probablement pas la peine d'être vécue, et que d'autre part une certaine forme de mal vient justement de l'usage terriblement perverti de la beauté. "                                François Cheng (Cinq méditations sur la beauté)

     

    J'avais lu ce livre l'année de sa parution, il y a déjà dix ans, j'en ai gardé un bon souvenir, mais en quoi cela m'a-t-il nourri, je ne sais pas , je n'ai qu'un vague souvenir...J'ai décidé de le relire, page après page, lentement, pour  tenter de m'en imprégner ...de le lire et le relire jusqu'à plus soif...

    C'est une toute autre façon de lire que celle qui m'est habituelle.   et vous, comment lisez-vous?


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  • Un écrivain, un vrai, c’est le titre de l’émission de téléréalité dont Gary Montaigu, auteur à succès, a accepté d’être la vedette. Une équipe technique s’est installée chez lui et le filme en permanence et  les téléspectateurs sont invités à intervenir sur l’intrigue de son roman en cours.  C’est par ambition, poussé par sa femme qui le manipule,  mais  c'est aussi par amour sincère de la littérature qu'il a accepté , il croyait ainsi la faire aimer  à  davantage de gens.


    Quelques mois plus tard, il a déserté la vie publique, n’écrit plus rien de bon et reste enfermé chez lui, dans un fauteuil roulant…

    "Il n'écrivait pas ce qu'il voulait, lui, mais ce qu'on attendait de sa part, on lui indiquait le chemin et il obéissait."


    Avec une ironique clairvoyance, Pia Petersen interroge le rôle de l’artiste dans nos sociétés contemporaines interactives.

    Elle plaide avec détermination pour la complexité de la pensée, la liberté de créer sans le souci de séduire, sans renoncement, sans concessions.

    «Un jour, la téléréalité est arrivée, la manipulation du réel a été légalisée, l’intelligence a été dévalorisée, l’esprit critique a été remplacé par un simple jugement j’aime/j’aime pas et il est devenu quasiment interdit de dire non sous peine de se faire accuser de négativisme. J’ai eu peur. Vraiment peur. Comment est-ce possible d’en arriver là ?
    Tout pouvoir abusif tente, depuis toujours, de museler les écrivains. Est-ce que la téléréalité et ces nouveaux comportements qu’elle induit ont réussi là où les dictateurs ont échoué ? L’écrivain doit désormais être populaire, savoir plaire, émouvoir. Mais que deviendra le monde si plus personne ne remet en cause la vérité énoncée, si plus personne ne peut dire non, si plus personne ne pense contre ? Dire non n’est jamais simple, c’est s’attirer les ennuis, l’hostilité des uns et des autres, c’est affronter l’impopularité. Qui a envie de ça ? Je me suis demandé comment l’écrivain survivrait à ce phénomène. Comment ferait-il pour maintenir sa liberté d’écrire sa vision du monde ? Et Gary, auteur à succès ayant reçu un prix prestigieux décerné par le gotha new-yorkais, a vu le jour.
    Gary accepte avec enthousiasme de participer à une téléréalité entièrement axée sur sa personnalité, il veut être au plus près des gens pour les amener vers la lecture. L’enjeu, c’est un livre qu’il écrirait avec le public, un roman participatif. Mais que se passe-t-il quand l’écrivain doit anticiper les désirs des lecteurs ? Et quelle est en fait la fonction d’un écrivain ? Gary est à l’écoute, il essaie de faire au mieux, de satisfaire tout le monde. Écrivain facile, diront les uns, gâchis littéraire, diront les autres. Pourtant on peut le comprendre. Quel écrivain ne rêve pas d’un lectorat aussi large que possible, d’un monde peuplé de fous de littérature, de philosophie, de connaissance ? Les écrivains rêvent de changer le monde. Mais à quel prix ?»

                                                                                  Pia Petersen                                                                 
    Un écrivain, un vrai par Petersen

    J'ai lu ce livre en deux jours...Seule la fin m'a un peu gênée...Néanmoins, les personnages sont très vivants et complexes et l'auteur sait très bien analyser et nous faire pénétrer dans le ressenti des uns et des autres et le rôle de l'artiste est très bien décrit.   J'ai aussi été très intéressée par la façon dont elle décrit la relation  de l'écrivain avec sa femme...Apparemment, ils sont très unis et elle a tout sacrifié afin d'aider la carrière de son mari....En réalité, elle ne pense qu'à elle, à son besoin de briller, de paraître et elle sert de lui pour satisfaire ses besoins et cela de façon très pernicieuse

    "Elle veut tout savoir, absolument tout, c'est pour son bien, c'est toujours pour son bien et ainsi elle peut mieux l'aider, il a besoin d'elle et çà aussi, il le sait. Elle fera en sorte qu'il donne le meilleur de lui-même, elle le forcera à écrire"

    "Elle a hâte de retrouver l'ambiance, cette sensation de se savoir vue, de jouer un rôle important. elle existera à nouveau. Elle apprécie quand les gens la reconnaissent.  Tu dois accepter le contrat aujourd'hui, s'exclame-telle et elle a de la rage dans la voix, une rage froide et violente, son cou est tendu et ses lèvres tremblent et elle serre les mâchoires. Je ne veux pas, il dit à haute voix, avec beaucoup d'exaspération. Ruth marche de long en large devant le bureau et elle murmure pour elle-même, elle dit qu'elle a tout fait pour lui, pour sa foutue écriture et voilà comment il la remercie...

    Gary retourne sa chaise et contemple la feuille vide devant lui. Il se tâte pour écrire mais à quoi bon ? ça ne sert plus à rien. Le monde sombre dans l'ignorance, dans la déshumanisation, dans le totalitarisme, dans l'obsession de la sécurité, dans le profit...A une époque, il pensait que la littérature contribuait à la construction de la société, qu'elle apportait une vision des choses..."


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  • Laurence Nobécourt est née à Paris en 1968. Elle est l’auteur de plusieurs romans et récits dont La Démangeaison, La Conversation, Horsita, En nous la vie des morts, L’Usure des jours et La Clôture des merveilles – tous signés « Lorette Nobécourt ».

     

     

     

    Quelques extraits de ce livre très court que je viens de lire

     

    "Dans la relation, on choisit toujours entre le meurtre et la perte. Reconnaître l'autre en tant que sujet, c'est accepter de le perdre en tant qu'objet. Refuser la perte, c'est eembrasser le meurtre du sujet.

    La majorité essaie de tuer pour ne pas perdre."

     

    cette phrase m'interpelle car je connais des gens qui ne savent aimer qu'en transformant les autres en objets d'amour...Alors ils pensent pour eux, ils décident pour eux et ils s'étonnent ensuite  d'avoir si peu de reconnaissance de la part de ceux qu'ils aiment

     

    "   Et c'est ainsi que j'ai cheminé au point d'éprouver en moi-même une demeure...C'est le lieu où l'on peut renaître, un lieu de sécurité et de joie, inviolable et secret.Où la solitude est opulence et vertu.

    Et donc il me vient cette paix issue de la sensation heureuse d'être sur ma propre route. Et voilà qu'à la manière du voyageur longtemps égaré et qui a retrouvé son chemin, j'avance avec un sentiment de concorde et d'allégresse, à l'allure qui me sied et qui autorise cette merveille de goûter enfin à la beauté du paysage."


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