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      Elle avait 16 ans. Cette année-là, pour la première fois, elle n'allait pas passer tout l'été à la maison...

    Non, elle était employée dans une maison au Vercors.

    C'était un grand chalet situé sur une hauteur et tous les matins, dès qu'elle était réveillée, elle se  précipitait dans le pré voisin  D'où elle contemplait le paysage...Elle n'en a pas un souvenir précis.

    La seule chose qui  lui reste en mémoire, c'est la sensation de bonheur extrême qu'elle éprouvait, c'était comme si deux bras l'enlaçaient: deux bras très doux, très tendres comme une mère enfin retrouvée...Ce lieu ruisselait d'invisible et ouvrait à la vraie vie et ce moment passé seule dans le silence et la luminosité du matin embellissait toute sa journée...il lui semblait que le temps était suspendu.
       Qu'en ce lieu idyllique, un drame puisse avoir lieu...cela n'était pas possible...

    Même la mort y perdait l'effroi qu'elle suscitait d'ordinaire, elle devenait simplement un moment de vie qu'il s'agissait de vivre tout comme un autre, dans la même plénitude, la même sérénité que tout autre , avec même une chanson au bord des lèvres pour célébrer la vie qui va et vient.
      Elle allait donc, chaque matin, contempler ce paysage,  s'y ressourcer, s'émerveiller de cette beauté ,à perte de vue s'enchanter de ce silence qui bruissait à ses oreilles...toujours un peu étonnée quand les bruits de la maison lui rappelaient que les autres s'éveillaient et qu' elle devait les rejoindre...étonnée que le temps ait passé si vite...étonnée mais sans aucune tristesse;  même enfermée entre quatre murs,ce paysage , elle le gardait en elle et il la protégeait de toute agression...C'était le bonheur.


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    Il était plein de bonne volonté.

    Ce n'était pas une apparence, non, il était sincère et voulait faire de son mieux...

     

    Et  cependant il était toujours à côté de la plaque car il n'écoutait rien de ce qu'on lui disait, de ce qu'elle lui disait....

     

    Mais comment, me disais-je, peut-on agir aussi paradoxalement? comment peut-on, avec tant de bonne volonté, agir  cependant à l'envers de son désir?

    L'intelligence et la finesse ne lui faisaient pas défaut?

    Qui ou quoi l'empêchait d'agir avec plus de cohérence?

     

    C'est cela, il était empêché.

    Empêché, embrigadé, emprisonné dans une tour dont les murs étaient façonnés par des peurs énormes qui ne laissaient transparaître aucune clarté, des peurs si violentes qu'elles ne lui permettaient pas d'agir selon son désir et de donner le meilleur de lui-même.

     

    Qui ou quoi l'aiderait à y voir clair, à être lucide et à abattre enfin les murs de sa prison intérieure?

     

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    Pour justifier ses activités incessantes, sa vie en courant d'air, il déversa un long discours pré-établi à l'avance dans lequel il n'y avait plus guère d'authenticité.

    La première  fois qu'il avait affirmé que la fatigue était dans la tête et que lui se délassait très bien simplement en changeant d'activité, en jouant constamment et en vivant au maximum dans l'instant présent, il avait sans doute honnêtement dévoilé sa façon d'être, mais à présent , tous ces mots n'étaient  qu'un trompe l'oeil : il avait besoin de croire lui-même et  de faire croire aux autres que, tel qu'il vivait, il avait atteint un équilibre satisfaisant, il avait besoin qu'on l'admire et qu'on découvre en lui une certaine sagesse : le sage qui sait apprécier la saveur d'un verre d'eau, la beauté d'un bateau sur le Rhône alors qu'il circule au ralenti sur le pont et que les autres conducteurs se contractent au volant de leur voiture.

    Il fait le beau. il S'abrite derrière ses belles phrases qui ébahissent celles qui ne le connaissent guère mais qui sonnent creux pour celles qui , depuis si  longtemps l'attend, l'entend et l'aime.

    Parviendra-t-il, un jour, à se montrer tel qu'il est...dans toute sa vulnérabilité et à s'aimer ainsi, délivré de ses illusions?


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  •    J'aime...Je n'aime pas...Comment savoir?

     

       J'aime parfois ce que je n'aime pas et parfois je n'aime pas ce que j'aime.

     


       J'aime ce qui est simple et,pourtant, en moi,c'est un labyrinthe touffu et obscur que je découvre et je ne sais où porter mes pas pour m'établir au point juste où je serai ,moi ,sans masque.
       En moi est un écheveau de laine emmêlé et je ne sais quel fil tirer pour le transformer en une belle pelote bien ronde et bien lisse qui pourra être utilisé pour fabriquer un petit chef d'oeuvre.

     

       J'aime ce qui ouvre, ce qui va vers le partage et la découverte et, pourtant,

    en moi,sans cesse me guette la tentation de me dédoubler, pour assister frileusement,

    à la rencontre possible mais si pleine de risques.

     

      J'aime voyager: en moi, un être nomade, frétille d'impatience et de curiosité

    mais la peur irraisonnée de ne plus retrouver les lieux et les êtres qui me sont familiers,

    la peur de me perdre me font rester sur place et je me sens prisonnière.


       

        J'aime la couleur bleue : cette couleur m'apaise,m'exalte,me tonifie,elle offre tant de nuances...

    Et je la chéris d'autant plus que j'ai mis longtemps à la découvrir comme faisant partie de moi...

    mais j'ai besoin de couleurs plus éclatantes comme le jaune,le rose et même le rouge..

    J'ai besoin de toutes les autres.

     

       J'aime la caresse d'un vent léger,

    j'aime ce qui est doux, tendre et apaisant,

    mais je peux aussi aimer la tempête

    et parfois j'aime ce qui dérange et rappelle que la vie n'est qu'un perpétuel changement.

     

          J'aime quand le temps s'arrête et nous fait croire à l'éternité..

    .Je n'aime pas quand il file entre les doigts comme dans un sablier..

    .J'écris pour arrêter le temps, pour qu'il ne se perde pas vainement.

     

       J'aime ne plus avoir peur,

    j'aime goûter le moment qui est là, le respirer, le humer, l'accueillir tel qu'il est et m'en réjouir.

    Quand je connais ces moments-là, c'est un bonheur exquis,

    un trésor précieux que je savoure au moment où je le vis et longtemps après.

     

          J'aimerais être sans attente et sans inquiétude, simplement ouverte à ce qui vient.

     

         J'aimerais mourir les yeux ouverts, dans la joie et la lucidité,

    entourée de ceux que j'aime et ayant partagé avec eux l'essentiel.

     

    Je viens de retrouver ce texte écrit en 2010...

    ce que j'ai écrit alors correspond toujours  à ce que je ressens au fond de moi...

    Pas  beaucoup de changement...hélas...ou tant mieux !

     

     

     


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  • L'an dernier, je la rencontrais pour la première fois.

    Elle était chez sa fille où elle allait vivre désormais.

    Petite pomme ridée, toute menue, mais si vivante...malgré ses 85 ans...

    Les yeux pétillants, s'intéressant à chacun, pleine de chaleur humaine....

    L'autre jour, je rencontre son gendre qui me dit leur  inquiètude.

    La mamie a eu un AVC ces temps derniers et depuis, elle a des pertes de mémoire...

    Toujours soucieuse d'apporter de l'aide , elle veut encore continuer à participer aux travaux de la maison etelle  fait brûler des casseroles...Elle voudrait pouvoir  conduire à nouveau sa voiture...Son kiné a essayé de lui faire comprendre qu'elle n'en avait plus la capacité et elle lui a répondu :"peut-être, plus tard, ça reviendra"

     

    Que la vieillesse et la maladie sont dures à accepter parfois !

    Pourvu qu'elle ne perde pas son beau sourire, cette chère vieille dame !

     


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