par Benevent Tossery
Cet épicier savoyard a peint une œuvre exubérante. Le Musée des beaux-arts de Chambéry expose ce représentant d’un art brut pétri de douceur.
En Jordanie - mais aussi dans d'autres pays arabes - l'artiste Laila Ajjawi bombarde les murs de couleurs pour affirmer son féminisme.
Laila Ajjawi est une jeune femme réfugiée, mais qui n'aime pas se laisser résumer par ces seuls termes. La jeune jordanienne d'origine palestinienne travaille pour une ONG la journée, et esquisse ses fresques "sauvages" à la nuit tombée, comme une supergirl des temps modernes.
Avec son look jeans, baskets, hijab (voile) et masque sur le nez (pour se protéger des émanation de peintures), Laila - tout juste 25 ans - ne passe pas vraiment inaperçue dans les rues de Irbid, sa ville natale située à 20 kilomètres seulement de la frontière syrienne. Surtout quand elle s'adonne à sa passion, devenue sa revendication : le street-art.
Artiste dans l'âme, Laila Ajjawi dessine, et peint depuis ses 5 ans et ses premiers pas à l'école. Le street-art, elle l'a découvert récemment et un peu par hasard, plus précisément l'année 2014, avec la réalisation de son premier graffiti destiné à une campagne féministe de l'art de rue au Moyen-Orient.
La fresque "baptême" installée dans les rues d'Amman (la capitale de Jordanie) - une femme qui laisse voguer ses pensées au travers de rayons de couleurs pour que la société jordanienne puisse enfin la voir - est une allégorie artistique sur les voix des femmes qui sont étouffées et qui veulent désormais se faire entendre, mais surtout se faire voir.
Originaire d'Inde, il arrive en France dans les années 50
Très vite remarqué aux Beaux-arts de Paris où il étudie, le peintre affirme son style, qui allie techniques occidentales et approche plus spirituelle propre à l'Inde. Très vite, il acquiert une notoriété internationale. Voyageant aux quatre coins de la planète, Raza évolue dans un monde artistique foisonnant qui nourrit sans cesse son oeuvre. Il a façonné au fil des années un univers unique.
C'est dans les années 60 que son épouse, l'artiste française Janine Mongillat, lui fait découvrir ce petit village niché sur les hauteurs de Menton. Il y restera pendant presque 60 ans. Son oeuvre, inspirée des courants de sagesse indiens, rompt avec la peinture traditionnelle
Toute sa carrière, Raza partage son temps entre Paris, Gorbio et l'Inde. Son pays a toujours gardé une place unique dans son oeuvre. S'il puise dans ses souvenirs d'enfance un imaginaire débordant, il s'inspire également des courants métaphysiques indiens. Le cercle noir, dit "bindu", est pour lui source d'énergie et de créativité. Véritable "troisième oeil" exprimant la vision intérieure, de lui naissent les formes, les couleurs mais aussi les vibrations et les énergies.
Le maître Raza entretient un rapport spirituel avec la nature et invite, par ses peintures, à une attitude contemplative. Travaillant les formes géométriques, le cercle, le "mandala" fait partie d'un équilibre global. Mais s'il s'inscrit dans une tradition indienne millénaire, il n'en est pas moins en rupture avec l'art "traditionnel
Quand son épouse Janine Mongillat lui fait connaitre la Côte d'Azur, c'est un véritable coup de foudre. Il restera 60 ans à Gorbio. Et même si dans les dernières années de sa vie, il se retire à Bombay, c'est bien à Gorbio que Raza a choisi de léguer une partie de son oeuvre.
1899 Naissance d’Anselme Boix-Vives, en Catalogne, Espagne. Garde des troupeaux de mouton sans suivre de scolarité.
1917 Installation en Savoie. Ouvrier, puis marchand de fruits et légumes. Devient un commerçant prospère
1926 Horrifié en Avignon face à un défilé de soldats mutilés Il imagine un monde idéal, où notre planète serait un éden pour tous
1955 publie un premier manifeste pour la paix universelle.
1962 1962 -1969 : peint plus de deux mille peintures (ripolins), dessins et gouaches.
La street artiste Suha Sultan à Amman (16 décembre 2017)
© Khalil Mazraawi / AFP
Leur nombre ne dépasse pas la dizaine, mais cette poignée de graffeurs travaille d'arrache-pied pour redonner vie à des murs sombres à Amman et contourner les tabous d'une société conservatrice pour que leur art ait sa place en Jordanie.
Depuis leur apparition il y a une dizaine d'années, les graffitis se sont multipliés dans le centre de la ville, mais surtout à Jabal Amman et Jabal al Lweibdeh, deux des plus vieux quartiers de la capitale jordanienne, habités en grande partie par des étrangers.
Des dessins d'animaux, de fleurs, de plantes ou de visages humains sont ainsi progressivement apparus sur les murs de ces quartiers, leurs longs escaliers en pierre et leurs trottoirs.
Amman, qui compte quelque quatre millions d'âmes, a été bâtie sur sept collines qui ont donné leur nom à ses principaux quartiers.
Une rue d'Amman, relookée par les street artistes
© Khalil Mazraawi / AFP
"Notre ville est belle mais elle a encore besoin d'être égayée, colorée", assure Suhaib Attar, le plus connu des graffeurs.
Dans un parking automobile à Jabal Amman, l'artiste de 25 ans, un seau de peinture à la main, oeuvre à "transformer ces grands murs de béton sombres en une sorte de tableau expressif plein de vie".
Signe toutefois que cet art peine à s'imposer comme moyen de libre expression en Jordanie, Suhaib Attar rappelle qu'il préfère ne pas évoquer dans ses graffitis des sujets politiques ou religieux.
"J'évite ce genre de thème pouvant choquer certaines personnes qui ne comprennent pas encore cet art", ajoute l'étudiant coiffé de dreadlocks.
Suhaib Attar, étudiant et street artiste, à Amman, Jordanie (16 décembre 2017)
© Khalil Mazraawi / AFP
Son avis est partagé par Suha Sultan, 20 ans, étudiante à la faculté des Arts. Elle se rappelle d'un jour où elle a été vivement interpellée par des passants alors qu'elle s'adonnait à sa passion du street art avec des amis.
"Je dessinais un grand portrait d'un homme d'une tribu lorsque ils m'ont sermonnée parce que j'étais sur une échelle au milieu d'hommes et m'ont interrogée sèchement sur le sens de mon graffiti", raconte la jeune fille aux yeux verts qui confie qu'elle adore dessiner depuis son plus jeune âge.
Pour elle, Amman est remplie de murs sans âme auxquels on doit insuffler de la vie. "Mais ce n'est pas simple car pour faire des graffitis on a besoin d'autorisations préalables de la municipalité ou du propriétaire de l'immeuble, on essuie le plus souvent un refus et la société nous accepte peu", explique-t-elle.
Peinture murale au coin d'une rue d'Amman, Jordanie
© Khalil Mazraawi / AFP
Wissam Chadid, un graffeur de 42 ans, considère même qu'il existe des "lignes rouges" à connaître dans une société traditionaliste où la création artistique est généralement incriminée. "On peint la nature, des animaux, des portraits, mais on ne touche pas à toutes les questions liées à la morale", dit-il.
"Avant, il n'y avait sur les murs d'Amman que des noms de clubs (de football), des numéros de téléphone ou des messages personnels de jeunes garçons à leurs amies. Aujourd'hui on essaie de vulgariser notre art", affirme Wissam, occupé à réaliser le visage d'une femme.
Ainsi, petit à petit, le street art fait son chemin dans la capitale. "Il rajoute des couleurs à cette ville dont les immeubles se ressemblent tous d'une certaine façon", se félicite Phoebe Carter, une Américaine qui fait des études d'arabe dans le royaume.
"Quand je passe le matin près d'un mur avec de beaux graffitis, cela me remplit d'énergie positive pour le restant de la journée", affirme de son côté Karim Saqr, un Jordanien de 22 ans.
J'aime cette liseuse et j'aime le regard que Christian Bobin porte sur elle
" Aujourd'hui, on n'écrit plus de lettres. C'est comme s'il n'y avait plus d'enfant pour jeter sa ballle de l'autre côté d'un mur.
Le monde a tué la lenteur. Il ne sait plus où il l'a enterrée.
Nous sommes en 1664. Un messager vient de passer, béni soit-il: il apportait, serrés sur une étroite feuille de papier, les mots de l'infini, des milliers de fleurs des champs accrochées à chaque arrondi de la phrase, traversant l'oeil de boeuf d'une voyelle, jouant avec le fer forgé d'une consonne. De tenircette lettre entre las mains, la femme couverte de lumière bleue en ressent la douceur trois fois . Une fois au bout de ses doigts qui serrent la lettre au point presque de la déchirer. Une seconde fois dans la chambre interdite de son coeur. Une troisième fois, mais tout cela arrive en même temps - dans l'âme qui est l'écho au ciel de toutes les joies que nous éprouvons.
La bouche de la lectrice est entr'ouverte. Elle boit le petit lait du ciel. Les hommes regardent les femmes et ils en perdent la vueLes femmes regardent les mots d'amour et elles y trouvent leur âme.
C'est pour moitout ça? C'est vraiment pour moi? Elle relit pour être sûre. Depuis cinq siècleselle relit la même lettre et par cette attention que rien ne décourage, la femme noyée de bleu fleurit la vie éternelle comme fait la pluie dont les diamants tombent par milliers sur le Creusot..."
Tout compte fait, c'est plutôt ce tableau-ci, toujours de Vermeer, que Christian Bobin contemple quand il écrit ce texte que l'on peut trouver dans "La Grande Vie"