• Je viens de terminer ce livre de Jérôme Garcin :"Olivier"

    Olivier, c'est son frère jumeau mort à 6 ans  accroché par une voiture.

    Il y a de très belles pages sur lui, sur  d'autres auteurs dont il parle avec affection, sur la famille...

    Pour alimenter la réflexion à laquelle Kasimir nous convie sur ce sujet essentiel, je relève cet extrait

      

    "Ma famille est mon unique refuge, mon socle, ma caverne platonicienne. Quel ami voudrait de ce sauvage urbanisé, de ce diplomate rugueux sans cesse sur la réserve et trop cintré dans son habit de sortie, de ce piéton qui ne pense qu'à chausser ces bottes de sept lieues pour fuir, au galop, dans une campagne inhabitée où il ne veut pas être importuné?...

    Je rêve, avec naïveté, d'une osmose qui ne s'embarresserait ni de mots ni de gestes, ne réclamerait pas de preuves, sur laquelle le temps n'aurait pas de prise..."

     

    "Tous les cinq (sa femme, ses trois enfants et lui ) nous sommes les doigts d'une même main caressante"

     

     E t je viens de lire aussi "Le chagrin" de Lionel Duroy. Là, c'est un tout autre climat : la famille n'est pas vraiment le lieu de l'harmonie.

    Il ne parle que de lui et de sa famille...et quelle famille...ils sont dix enfants...L'argent manque...Le père fait ce qu'il peut...la mère n'arrive pas à sortir de ses idées de grandeur et d'honorabilité...Elle veut habiter dans les beaux quartiers, elle veut que ses enfants aillent dans les écoles les plus sélect...Résultat : ils sont expulsés, l'auteur reste plusieurs mois sans aller à l'école qui leur signifie qu'ils ne doivent plus revenir puisqu'ils ne peuvent pas payer...Mais il ne faut pas en parler à la mère , il faut chaque matin, quitter la maison avec le cartable pour lui faire croire que tout va bien...Il nous retrace cette enfance difficile avec ses souffrances mais aussi ses joies, il raconte tout, il ne peut pas faire autrement...

    Il s'imagine qu'il va ainsi rassembler sa famille et qu'ils vont tous se retrouver heureux, réunis ,réconciliés,comme si d'avoir mis en mots les mauvais moments allait leur permettre de ne plus en souffrir...Hélas, quand le livre paraît, tous les siens lui tournent le dos et le considèrent comme un paria,le frère aîné en a décidé ainsi et les autres lui obéissent...

    Et cependant, il continue à écrire , il ne peut pas vivre autrement, il cherche à comprendre

     

    "Comment avons-nous pu rater à ce point notre aventure familiale, me dis-je, alors qu'à chaque instant  nous avons eu le sentiment de bien faire?"

    "J'étais bien placé pour savoir combien les livres peuvent être destructeurs et cependant, je ne connaissais pas de plus sûr moyen de garder auprès de soi ceux que nous aimons le plus"

     

    J'ai trouvé ce livre très dur à lire bien qu'il soit très bien écrit: on partage les émotions de l'auteur, ses tourments et nous aussi , on voudrait comprendre pour quoi un tel échec, un tel naufrage, pour quoi une telle incapacité à vivre dans une famille normale...

     

    Il est pris dans ce dilemne et ne sait comment en sortir

    "A dire les choses, on ne peut que faire du mal, mais à ne pas les dire, on meurt"

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    18 commentaires
  • C'est une enquête biographique  sur un homme pas ordinaire...

     

    C'est un livre sur l'histoire de la Russie stalinienne et post stalinienne...

     

    C'est un livre où Emmanuel Carrère nous parle aussi de lui car, en Limonov, il se voit comme dans un miroir...

     

    C'est donc un livre qui nous parle aussi de nous

    car sa vie raconte quelque chose sur notre vie à tous et nous oblige à nous poser des questions;

     

    Quel est donc cet homme qui a vécu dans des milieux si divers , qui a eu des vies si différentes :

    né en Ukraine en 1943, tour à tour voyou,clochard,valet de chambre d'un millardaire à Manhattan, écrivain branché à Paris, soldat dans la guerre des Balkans, prisonnier,, et maintenant, car il existe pour de bon,  chef d'un parti de jeunes desperados en Russie.

     

    C'est un livre qui s'appuie sur les livres autobiographiques que Limonov a lui-même écrit  et sur un seul interview....

    Carrère l'avait d'abord rencontré dans les années 80 alors qu'il était connu en tant qu'écrivain et gravitait autour  de Jean-Hedern Hallier et de sa revue "L'idiot international".

    Il l'a retrouvé à Moscou au début des années 2000, toujours agitateur, mais cette fois au sein du parti national bolchevique : parti extrémiste mais cependant soutenu par des russes aspirant à la démocratie...

    La trajectoire de Limonov lui semble si étonnante qu'il décide d'en faire un livre...

     

    Qui est-il ce Limonov, finalement?

    Un héros ou un salaud

    Le livre se termine sans qu'une réponse nous soit donnée.

    Carrère ne juge pas, il essaie de comprendre

    comment, dans le même être, le bien et le mal peuvent être si intimément mêlés, comme en nous tous peut-être...

     

    Limonov a une énergie  contagieuse, il est obsédé par la gloire mais pas par la réussite...

    Il se conduit comme un fasciste mais il est toujours du côté des minoritaires

     

    "Les maigres contre les gros,les pauvres contre les riches, les salauds assumés qui sont rares contre les vertueux qui sont légion, et si erratique que soit sa trajectoire, elle a une cohérence qui est de s'être toujours, absolument toujours placé de leur côté"

     

    "Les trois livres où il a relaté ses séjours en prison, il parle beaucoup moins de lui-même que des autres.Lui, le narcisse, l'égotiste, on le voit s'oublier, oublier de prendre la pose et s'intéresser sincèrement aux affaires qui ont valu à ses compagnons d'être là où ils sont"

     

    Au centre de la réflexion qui conduit ce livre très bien écrit,  avec clarté et sans aucune monotonie, il ya cette réflexion de Hervé Clerc

    " L'homme qui se juge supérieur, inférieur ou égal à un autre, ne comprend pas la réalité"

     

     

    C'est un livre que j'ai aimé, qui va cheminer en moi et continue à me poser des questions.


    6 commentaires
  • Je me suis laissé embarquer...

    J'ai commencé le livre l' après-midi et j'ai su tout de suite que je devrais le finir très vite..J'étais happée !

    Ce n'est pas gai, un ouragan...Il y a des morts. .il y a la peur, l'angoisse, l'horreur...Il y a aussi une histoire d'amour tragique et pure.

    Il ya une vieille négresse de presque cent ans, des prisonniers que l'on a oubliés,un prêtre qui devient fou, une jeune femme avec un enfant, un homme qui revient et qui, pour la retrouver, fonce vers l'ouragan ..alors que tous les autres gens le fuient...

     

    C'est la vieille négresse que l'on entend dès la première page et c'est sur elle et son chant que sera clos le livre

     

    "C'est mon chant et tu peux t'y adosser car je suis solide et je porterai mes soeurs,elle ferme les yeux,elle a un fils,maintenant, un fils, avec fierté,je porterai mes soeurs,moi, Josephine Linc, toute négresse que je sois, malgré mes cent ans passés car le ciel s'est ouvert et nous avons fait face à notre propre nudité, je porterai les enfants effrayés, ma voix les rassurera et lorsque je mourrai, libre, sur ma terrasse, toujours négresse..souvenez-vous de moi et gardez le coeur droit"

     

    "Il dit qu'il est loin de lui-même, qu'il n'arrive plus à être avec les choses. Il lui parle de cette fatigue, de ce sentiment tenace d'inutilité qui ne le laisse plus en paix; Tout est lourd et vain...Il ne demande rien , il veut juste montrer sa nudité...Jamais personne ne lui a parlé ainsi. elle écoute, et c'est comme de boire, boire jusqu'à plus soif, une eau longtemps attendue.

     

    "Elle contemple cet homme, la beauté de son dos massif et de ses fesses. Il est beau - non pas qu'il soit parfait, mais parce qu'il a cette force puissante, qui rend un homme indéracinable"

     

     

    Ce n'est pas gai.., non,et pourtant la rencontre de ces personnages si bien campés qu'on les reconnaîtrait si on les croisait dans la rue, cette rencontre nous galvanise, nous remet debout et nous redonne le sens de notre dignité ...Dans leur fragilité,(cette négresse, ce couple qui se retrouve et leur enfant),il y a une grande force...et de les voir ainsi nous aide à trouver la nôtre...


    21 commentaires
  • Etre malade, devoir subir une opération, ce n'est jamais de gaîté de coeur qu'on l'accepte et pourtant cela présente quelques avantages agréables....

    On reçoit des cadeaux...avant, pendant et après et encore après...Essayez, c'est surprenant.

    Ainsi, hier, j'ai reçu un joli petit livre de contes de Nasreddin, un livre qui vient de Turquie, cela lui donne encore plus de valeur...

    Evidemment, j'ai commencé à le découvrir...et je vous en livre deux, de ces petits contes.

     

    "Un jour, Nasreddin Hodja entendit des bruits suspects dans sa maison. Pensant à un voleur, il se cacha dans un placard.

      Le voleur fouilla partout sans trouver quelque chose digne d'être dérobé. au moment de partir, il alla quand même jeter un coup d'oeil dans le placard. Quelle ne fut pas sa surprise d'y voir Nasreddin.

    - Mais que fais-tu là-dedans?

    - Je me suis caché parce que j'ai honte, répondit Nasreddin, chez moi, il n'y a rien qui ne soit digne d'être volé"

     

     

      Nasreddin Hodja 2tait seul chez lui et imaginait qu'il se préparait un bon petit plat : un poulet avec laquel il faisait un bouillon bien assaisonné.

      Il n'avait pas encore mis les pieds à la cuisine que l'on frapppa à la porte. Un gamin, un bol à la main, lui dit :

      -Excuse-moi, Hodja, ma mère est malade, je suis venu te demander un peu de potage.

      Abasourdi, Nasreddin pensa :" Mes voisins parviennent à sentir jusqu'à l'odeur de mon imagination."


    15 commentaires
  •   C'est le journal d'un écrivain qui raconte sa vie banale et retirée, une vie où il ne se passe rien,ou presque rien

    si ce n'est des rencontres

    Rencontre avec Toni qu'il rencontre assez régulièrement car il l'aide à écrire le livre de sa vie, et quelle vie !  C'est un ancien taulard et  c'est lors des ateliers d'écriture qu'il donne dans diverses prisons depuis plus de vingt ans qu'il a fait connaissance avec lui.

     

    Rencontre avec une auto-stoppeuse à la splendide robe rouge....Il lui demande si elle n'a pas peur...Que voulez-vous qui m'arrive,j'ai 85 ans et ça fait plus de vingt ans que je fais du stop tous les dimanches....Vous allez où tous les dimanches? lui demande-t-il encore....Je vais au bal

    D'abord il croit qu'elle plaisante,mais non...Elle danse depuis l'âge de quinze ans et ces moments là sont les plus heureux de son existence

    "J'irai à pied si personne ne me prenait,ça ne m'est encore jamais arrivé. Les gens s'arrêtent lorsqu'ils me voient heureuse. toute la semaine, j'attends le dimanche; Je me repose, je prépare ma robe,je rêve, je prends des bains de pieds...Quand je danse , j'oublie tout...J'ai vécu pour danser"

    Et l'auteur ajoute : "en conduisant je la regardais, elle avait perdu trente ans"

     

    Rencontre avec des schizophrènes : un qui vient de lire son dernier roman et qui veut le délivrer de cet inspecteur qui lui cause des ennuis, qu'il sait où il va l'enterrer...

    un autre qui se prenait pour Baudelaire et savait par coeur tous les poèmes de Fleurs du Mal 

     

    Il nous parle aussi de Lili qui a 95 ans et qui a oublié son visage et son nom et qu'il va garder régulièrement

     

    Il nous parle de ces jeunes de collèges ou de lycées  à qui il va parler du bonheur d'écrire

    -"On peut parler à des jeunes...des mots qui parlent d ela beauté qui les attend au coin d'un immeuble ou d'une rue, dans toutes les villes qu'ils devront traverser"

     

    "Nous écrivons tous un jour ou l'autre dans un cahier pourréveiller la partie de nous-même qui ne s'exprime pas dans la vie"

    "C'est sans doute cela être écrivain, observer les autres de plus en plus intensément, afin de voir plus clair en soi. Plus j'écris, plus je disparais, plus je ressemble à tout le monde"

     

    Et de rencontre en rencontre , nous cheminons avec lui avec grand plaisir 


    14 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique