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La part irréductible de l'homme
"Il y a quatre ans, environ, j'étais dans le train; en face de moi, dans le compartiment un épouvantable petit vieux était assis. Sale et manifestement méchant, certaines de ses réflexions me le prouvèrent. Refusant de poursuivre avec lui une conversations sans bonheur, je voulus lire, mais , malgré moi je regardais ce petit vieux : il était très laid. son regard croisa, comme on dit , le mien, et ce fut bref ou appuyé, je ne sais plus, mais je connus soudain le douloureux - oui, douloureux sentiment que n'importe quel homme en "valait" exactement _ qu'on m'excuse, mais c'est sur ce "exactement" que je veux mettre l'accent - n'importe quel autre. "N'importe qui, me dis-je, peut-être aimé par-delà sa laideur, sa sottise, sa méchanceté"
C'est un regard, appuyé ou rapide, qui s'était pris dans le mien et qui m'en rendait compte. Et ce qui fait qu'un homme peut être aimé par-delà sa laideur ou sa méchanceté permettait précisément d'aimer celles-ci. Ne nous méprenons pas: il ne s'agissait pas d'une bonté venant de moi, mais d'une reconnaissance. Le regard de Giacometti a vu cela depuis longtemps, et il nous le restitue; Je dis ce que j'éprouve : cette parenté manifestée par ces figures me semble être ce point précieux où l'être humain serait ramené à ce qu'il a de plus irréductible: sa solitude d'être exactement équivalent à tout autre."
Jean Genêt
(l'atelier d'alberto giacometti - l'Arbalète)
Il y a près de trente ans, une exposition des oeuvres de Giacometti, juste en face de l'école où j'enseignais, il y avait eu une exposition des oeuvres de Giacometti...C'était pour moi une découverte et ce petit livre de Genêt était vendu en ce lieu...Je l'ai acheté, je l'ai lu avec intérêt et cette page m'avait si particulièrement frappée que je l'avais apprise par coeur ou presque..Et puis je l'avais plus ou moins oubliée et ces derniers temps elle me revenait en mémoire et je voulais la retrouver,ma mémoire étant trop incertaine....voilà qui est fait...J'ai un peu l'impression d'avoir retrouvé une partie de moi.
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Commentaires
Bonjour Gazou,
C'est faire preuve de beaucoup d'orgueil que d'asséner un jugement au premier coup d'oeil sur une autre personne et de s'en tenir là. L'aspect extérieur conditionne tellement de choses ! Je suis toujours surpris quand un non voyant touche le visage d'une autre personne pour en parcourir les traits et les graver dans sa mémoire. La personne palpée bien souvent sourit et se présente bien plus ouvertement qu'à un voyant. Il n'y a plus de défense,n avec un air renfrogné pour décourager l'autre !
Bises du grillon qui te livre cette reflexion
Réfléchir au-delà de nos filtres, de nos préjugés et de nos projections...
Réfléchir comme un miroir.
Comme toujours, une très belle notre vers laquelle revenir en pensée toute la journée.
Merci Gazou.
eMmA
Oui, mais il est ellement tentant de répondre à l'hostilité pat l'hostilité, cela fait partie de nos mécanismes de défense... Alors, dur d'y résister. Alors merci pour cette réflexion de Genêt qui nous invite à changer nos regards... et nos coeurs !
Ce texte est très juste , notre nature imprévisible nous pousse parfois à se fier aux apparences. Bonne soirée, bises Gazou
J'étais dans le train
J'avalais des gares
Je digérais des passages à niveaux
Et puis,
Maman avait dit :
" Loop, tu as bien composté ton ticket ? "
Loop
C'est vrai que lorsque je cherche une page qui m'a plu, je suis contente de la retrouver.
Heureuse que tu aies récupéré ce morceau qui te manquait.
"Reconnaissance", c'est un mot important.
Nous pouvons tous à certains moments présenter une image sans attraît de nous-mêmes, c'est la force de destruction qui est en nous qui veut prendre toute la place mais pourqoi la laisser faire?
Bonne journée Nicole!
Bonjour Grillon
Merci pour cette réflexion
C'est dommage en effet que nous nous laissions tant impressioner par l'aspect extérieur des gens alors que finalement c'est ce qu'ils portent , à l'intérieur d'eux, qui est le plus important.
Bises de Gazou et bon Week-end!
ça doit être dur à digérer un passage à niveau ?
et avaler une gare, quel appétit !
mais pourquoi pas?
je le pense aussi..mais c'est bon de le faire en toute conscience, non?
bon Week-end, Catherine!
Parfois difficile d'aimer chacun ou chacune "tel(-le) que"..., de dépasser ce réflexe d'évitement initial... Car il nous faut bien faire un EFFORT pour communiquer, entrer en relation avec l'Autre... et ne pas repousser nous-même Autrui par une apparence négligée, de l'incurie, une agressivité, une associabilité subie ou revendiquée (Relire "La faim" de Knut Hamsun, 1890...). Se défier un tant soit peu des Autres - au moins momentanément - n'est pas les haïr... Oui, chaque être humain peut se re-programmer pour vivre un minimum de bonheur, d'empathie et de partage... mais il doit évidemment dépasser un fonctionnement en cercle fermé, c'est-à-dire sans souci des Autres... J'avoue ne pas avoir la fascination qu'avait Genêt pour les réprouvés... mais je comprends celle-ci. Impératif de ne pas se mettre en danger "pour rien" ou pour un résultat dérisoire de notre tentative de communication... Notre bonheur est si fragile... Le sens de nos existences ? Les LIENS que nous parvenons à tisser... et il nous faut pour cela acquérir peu à peu un minimum d'habiletés sociales... (Tout ce que nous n'apprenons qu'à nos dépens...). La cohésion sociale - très fragile aussi - dépend des efforts qu'amènent chacun et chacune pour "vivre ensemble"...
Bon, ce n'est qu'un ressenti de plus parmi sept milliards de ressentis possibles...
Beau w.-e. à tous ! Et à bientôt, chère Gazou...
giacometti ne laisse pas insensible
ses hommes marchent
et parfois on saisit le bout de son chemin
Certes, on peut être dans un désir d'ouverture et d'accueil envers les autres sans pour autant jouer à l'innocent et se laisser berner par le premier indélicat qui passe par là, je suis bien d'accord avec toi...Bon dimanche Dourvac'h!
C'est vrai, lors de cette première rencontre, j'ai été surprise et conquise..même si je ne comprenais pas le sens de sa recherche
22nicole 86Mardi 2 Juillet 2013 à 16:29J'ai lu, mais où était-ce déjà ;-) ? le premier paragraphe et d'ailleurs je crois me souvenir que j'avais laissé un commentaire .
Je me demande d'ailleurs si, je ne suis pas, désormais, cette petite vieille si laide ...
23catherine2Mardi 2 Juillet 2013 à 16:29
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tu as certainement raison
car en lisant ce texte, j'étais absolument persuadé que c'était toi qui parlais.
Comme c'est juste !