"Bonjour à toi

Le jour advient

 

Et se surprend

Et se souvient

 

Frayeur soumise

douleur vaincue

 

Et se fait don

Bleu ébloui."

 

 

François Cheng

  D'abord,elle me parut laide...Trop long ce nez ! Sans intérêt,cette tête ! A peine l'avais-je aperçue,déjà,je détournais les yeux,à l'affût de personnes plus séduisantes.
  Et la soirée s'écoule,oublieuse de ce visage à peine entrevu.Mais certains étant partis,là voilà qui se rapproche et se trouve,quel hasard,en face de moi !Je ne peux plus l'ignorer,il faut bien que je la regarde,que je prête une oreille aux paroles qui d'elle me parviennent...et , est-ce encore un hasard? De quoi parle-t-elle? Elle parle d'écriture,elle me donne son nom:"Cylène" !Tiens C comme Cyrano ! et si de son cousin,elle a la disgrâce,dame,elle en a aussi l'esprit !
  Et me voilà bien marrie d'avoir d'elle mes yeux détournés. moi,si promte à juger les esprits qui aux apparences seules accordent quelques valeurs,j'aurais désormais plus d'indulgence car dans ce même travers me voilà tombée et m'en voilà toute déconcertée.
  Et cette belle dame je remercie dans un long sourire silencieux pour ce, qu'en cet instant,sans qu'elle ne s'en doute,elle vient de m'apprendre,et c'est pourquoi mon merci restera silencieux.
  Et pour que la leçon porte davantage ses fruits,là voilà,tout aussi inconsciente et sereine,qui s'apprête à partir et pose sur sa tête un quelconque chapeau,un peu haut cependant,eh stupéfaction !


.Cette dame que j'ai si mal jugée tout à l'heure ,quand elle était assise à table,c'est qu'elle a fière allure avec ce chapeau et ce demi sourire accroché à ses lèvres.Quelle tête originale est-ce là et qu'il me plaît de la contempler !Quel dommage,elle s'en va déjà et je n'ai pas su la rencontrer.
  Car de Cyrano,son frère,en plus du nez,de la plume et du panache,je suis sûre qu'elle avait aussi l'esprit,le coeur et une finesse exquise. Ah! triste méprise! Allais-je comme Roxane ne connaître la réalité que trop tard? J'ai bien failli partager son aveuglement. Il a fallu le miracle d'un quelconque chapeau pour que la métamorphose s'accomplisse et qu'à mes yeux soudain lucides ,Cendrillon se dévête de ses oripeaux, Hélène quitte ses laids sabots et qu'enfin je sache contempler l'être qui est devant moi.
  Le rideau des illusoires apparences déchiré, j'ai connu une réalité plus profonde et je m'en suis réjouie.

  .

Il ne faut  jamais désespérer,

  persévérer toujours,

 croire qu'une issue va s'offrir à nous,

croire qu'une brèche va s'ouvrir

dans ce mur qui s'oppose à nous...

 

Et si je vous dis cela

c'est bien parce que moi, je n'y croyais  plus

ces temps-ci.

Je me disais: c'est ainsi,

tu n'y peux rien, il faut accepter...

Enfin je n'y croyais presque plus

mais je devais bien y croire encore un peu

que c'était possible,

que le dialogue était possible....

puisqu'il a eu lieu...

 

Sans que le temps de la réflexion

m'ait été donné,

j'ai su comprendre ses réticences

et lui exprimer mon point de vue

avec calme et clarté

Et il m'a entendu

et moi aussi, je l'ai entendu

Un bout de chemin a été fait.

 

Qu'en sera-t-il à la prochaine rencontre?

Sera-t-il dans cette même ouverture

ou se sera-t-il refermé,

à nouveau happé par des blessures anciennes?

Et moi comment serai-je?

 

Mais je veux garder trace

de ce moment de grâce

vécu aujourd'hui,

de ce moment qui nous a réunis

pour que d'autres adviennent

où nous pourrons donner le meilleur de nous-mêmes

Je regarde un film sur Robert Doisneau..Il a alors 80 ans . Et toujours l'oeil pétillant et malicieux.

Et ce qui me frappe dès le premier abord, c'est  à quel point ses photos lui ressemblent : de l'humour, de la tendresse...

D'ailleurs il dit : "je ne photographie bien que les gens qui me ressemblent...Les gens de la banlieue, les amoureux, je me retrouve en eux..Et comme je m'aime bien, comme j'ai de la mansuétude pour moi-même, je peux en avoir pour les autres..."

 

"Si vous voulez photographier les gens dans un bistro, il faut commencer par être un consommateur..pour être comme eux... "

 

Il dit aussi qu'il doit beaucoup à Jacques Prévert...C'est lui qui lui a appris à porter un regard émerveillé sur les choses usées par la pratique quotidienne, il a su anoblir beaucoup de choses...

 

Quand il tourne ce film, il sait qu'il lui reste peu de temps à vivre mais il ne s'attarde pas là-dessus et il profite du moment présent avec son humour et sa tendresse habituelle...Comme il fait bon passer un moment avec lui !

Une fois de plus, je les ai encore oubliés,

J'ai beau vouloir, j'ai beau espérer...

Dans ma tête, ils ne veulent demeurer

Et ils s'évaporent dès que je suis réveillée.

 

Chaque soir, je les supplie, je les implore

et c'est ainsi que je m'endors

Mais de tous ces beaux songes, au matin,

il ne reste plus rien. 

 

Pas une trace, ou si peu

parfois un lambeau,une image

une histoire rarement

et je déteste ces nuits stériles.

 

Il en est qui rêvent en couleurs,

avec maints détails précis

Ils pourraient en faire des romans

Pour moi la nuit ne crée que du néant.

Et je m'en veux de tout ce temps perdu

à dormir pour rien .....

 

Mais,après avoir écrit ces lignes,

 le lendemain matin, je me réveille

je n'ai souvenir de rien mais je suis en feu

Et lorsque enfin je m'apaise,

un souvenir me revient,

une bribe du moins..

Je ne sais où j'étais....

dans une salle bondée, un homme s'approche de moi

et me chuchote quelque chose,

je le fais répéter plusieurs fois

et finalement je renonce..

Est-ce à lui que je dois

cet émoi ?

quels mots a-t-il prononcés pour susciter une telle flamme?

Je ne le saurai jamais

mais quand même je le remercie .