• Hier, avec une amie, le hasard a bien guidé nos pas...
    Nous arrivons dans le charmant petit village de Chabrillan de la Drôme et nous nous arrêtons au café-bibliothèque où le groupe " Hawa  donne un concert.  Ce groupe est né en 2004 au sein de la compagnie angevine Eoliharpe
    et il effectue un travail de recherche et d'expression sur la poésie et la musique arabe
    La petite salle est vite remplie, l'ambiance est chaleureuse...On nous offre du thé à la menthe et des petits gâteaux savoureux...
    Claire, la chanteuse, a choisi des textes de Mahmoud Darwich, Abdellatif Laabi,Muhammad AL-Maghout, Sami Al Qassim qu'elle dit ou chante avec beaucoup d'intériorité , de passion et de bonheur...La musique est de
    Gilles Constant que l'on voit derrière son piano mais qui joue aussi de l'accordéon,  de l'oud...Et il y a aussi un percussioniste et un autre joueur de oud : Tazi et Bachir..Le mot "Hawa " veut dire "souffle" en arabe;..Et du souffle, elle en a la chanteuse
    Que dire encore? Nous avons passé un délicieux moment..J'en ai oublié ma fatigue et le ciel gris.  A les écouter, l'espace s'est agrandi et j'ai retrouvé le souffle de vie.

    17 commentaires
  • "Mon bien-aimé descend la colline fleurie
    De blé noir
    Très lentement par les champs pâles...C'est le soir.

    Voilà mon bien-aimé !... - Suis-je bien aguerrie,
    Ma raison? -
    Oui, le voilà qui passe auprès de ma maison.

    Ne me regarde pas, bien-aimé, je t'en prie,
     Si jamais
    Ton regard n'était pas assez doux, j'en mourrais !

    Ne me dis rien, tais-toi, bien-aimé, je t'en prie,
    Si jamais
    ton accent n'était pas assez doux, j'en mourrais !

    Mon bien-aimé passa voilé de rêverie,
    L'âme ailleurs,
    Sans me rien dire hélas ! sans me voir et j'en meurs."


    22 commentaires
  • Je  me souviens du jour où j'ai découvert ce poème, de l'illustration qui l'accompagnait, de ses coloris mauve et grenat, de la place où j'étais assise  tout près de la fenêtre, de la robe que je portais quand je le lus pour la première fois,  Désormais ce poème ne cesserait plus de chanter en moi et colorerait de bleu tendre mes moments de détresse; Marie Noël nous parlait d'une attente déçue, d'une rencontre qui ne s'était pas faite...mais moi je venais de rencontrer , dans sa chair vive, un écrivain et je ne l'oublierais plus. Je vivais dans ce secret dévoilé à moi seule, c'est du moins ce que je ressentais.
    A seize ans, je fus employée dans une colonie de vacances et , au retour, dès que je reçus la somme octroyée, je courus acheter un livre de Marie Noël :" Les chansons et les heures" et je l'emportai comme un trésor...Depuis j'ai acheté beaucoup de livres mais je ne puis ouvrir celui-là sans ressentir à nouveau la merveille de cet instant de grâce.
    Quelques années plus tard, par hasard, mais le hasard existe-t-il? Je découvrais un disque où les chansons de Marie Noël nous étaient données par une voix cristalline et pure : celle d'une jeune paralytique...L'interprète elle aussi était le lieu où joie et douleur étaient inséparables.
    Plus tard, je reçus chez moi une correspondante roumaine...C'était la première fois que nous nous rencontrions.
    Elle était marquée dans sa chair par le malheur de son pays et par une polyomélite qu'elle avait eu enfant et qui l'avait rendue incapble de marcher pendant plusieurs mois.  Elle avait gardé cependant la faculté de s'émerveiller...Un soir, elle me demanda d'écouter quelques chansons françaises...Sans hésiter, je sortis le disque de Marie Noël  bien que ces chansons-là n'aient jamais été à la mode...Je ne m'étais pas trompée..elle aussi entra en connivence avec cette musique-là et ces paroles..Ce soir-là fut une de nos plus belles soirées...Nous avons ensemble communié à la même saveur, au même parfum, aux mêmes eptites notes ténues et pourtant essentielles.
    Les années s'écoulant, ainsi je demeure à la recherche de ce lieu où les contraires ne se repoussent pas mais s'aimantent et se complètent ; Et parfois, dans une chanson, au cours d'une rencontre, j'entrevois quelques instants ce lieu de grâce etje protège précieusement cette vision comme une chandelle dans la nuit .


    16 commentaires
  •   J'étais très jeune alors, presque une enfant encore. Je feuilletais une revue lorsque une page m'arrêta éveillant en moi d'étranges résonances...Je venais de découvrir un poëme de Marie Noël. Il s'intitulait modestement "chanson" et faisait naître en mon coeur une déchirure délicieuse.  Or chaque phrase résonnait pour moi comme une musique familière, comme si brusquement toute ma vie se trouvait derrière moi. Comment si jeune et dans l'ignorance totale de ma vie à venir avais-je pu m'y reconnaître, je ne sais, mais c'était ainsi.
      Ce poème parlait d'une rencontre manquée comme chacun en connaît à ses heures...rien là que de très ordinaire...mais le ton était si mélodieux, si léger malgré la souffrance due à la perte, si doucement enivrant et sautillant qu'il m'avait un air de Paradis. C'était une chanson qui avait traversé des pays immenses, une chanson qui coulait frémissante et vive sur la pente de la montagne et qui portait en son gazouillis toute la joie et la douleur du monde. Ce n'était pas un air qui vous envoyait le malheur en plein visage, un air en détresse qui entraînait celui qui se laissait séduire à sa perte,. Mais bien au contraire il vous poussait en avant. Il venait de si loin et vous ouvrait d'étranges espaces. Il était le lieu  où le manque ne provoque nirévolte ni amertume mais devient lui-même source d'allégresse. (à suivre)

    17 commentaires
  •  

                             " Retoucher la réalité n'est pas un crime - sans quoi nous sommes tous des criminels, nous dont l'esprit  vagabonde,dont les nuits se peuplent de songes, dont l'imagination s'épanouit, laissant le fantasme se glisser dans nos pensées. Qui peut distinguer ce qui est vrai, juste, exact, de ce qui ne l'est pas ? Il arrive que la vérité soit tissée d'impostures, que les creux aient l'importance des pleins, que les choses tues comptent autant, sinon plus, que  celles qui sont dites.                                                                                                                                                                                                Nous sommes tous des êtres de fiction, et nos chimères nous définissent bien davantage que le nom, la nationalité, la date et le lieu de naissance figurant sur notre carte d'identité. Nous évoluons dans nos espoirs, nos idées, nos histoires comme les nuages flottent dans le ciel : c'est là l'environnement naturel dans lequel nous baignons. Il m'apparaît parfois plus concret que le lit dans lequel je m'endors, la route que je prends le matin, les jardins dans lesquels je me promène certains dimanches, qui n'ont guère plus d'épaisseur à mes yeux qu'un décor de théâtre ou de studio.  N'est-ce pas précisément ce qu'on demande à un artiste, qui doit nous entrouvrir les portes d'un monde où la banalité fleurit en vision, où la laideur se sublime en beauté, où les désillusions de l'existence se dorent au soleil de l'art et se muent en brumes légères comme un fil de soie ? Alors la réalité ne se fausse pas en mensonge : elle s'accomplit dans l'espace, étrange et merveilleux, de la fable "
        
                                                                                            Minh Tran Huy (La double vie d'Anna Song)


    J'ai aimé ce passage car je touve difficile de séparer la fiction et la réalité. Souvent elles s'entremêlent étrangement...Il y a parfois plus de fiction dans une biographie ou  une autobiographie que dans une histoire inventée de toutes pièces. Il est parfois des faits divers qui nous apparaissent plus irréels que le plus chimérique des contes de fée. Qu'en pensez -vous?


    27 commentaires