J'avais lu des livres de cet écrivain et j'en avais gardé un très bon souvenir.
Aussi, quand je suis entrée dans la librairie et que j'ai vu ce livre en collection de poche, je me suis laissée tenter, sans trop savoir ce qui m'attendait....
Quel choc !
Je ne peux pas douter, un seul instant, que ce livre est en grande partie autobiographique..et je me pose la question : comment un enfant peut-il résister à une telle ambiance familiale? Comment ne devient-il pas fou , comme son père, ou délinquant ou complètement désespéré? Comment parvient-il à se construire, à devenir un être humain capable d'aimer? Et qui plus est, comment parvient-il à n'avoir aucun ressentiment, à ne pas juger celui qui l'a autant blessé?
Ce livre est poignant mais il n'est pas désespérant...Au contraire, il est plein d'espoir...
La force de vie de l'enfant a été plus force que le besoin de destruction de son père.
"Lorsqu'il est mort, devant son cercueil, j'ai su que l'heure était venue de dévoiler ma profession de fils" dit Sorj Chalendon
J'ai lu cette critique de Nicolas Mouton
" ... la figure du père est présente dans toute l’oeuvre de Sorj Chalandon, c’est après la disparition de celui-ci qu’elle trouve son expression la plus forte, la plus poignante. Quel livre, nom d’un fils! A chaque page, il vous saisit par la pudeur du style, l’intensité des émotions, et une fascinante réflexion sur le récit : jusqu’où accepter l’irréalité du réel? Artisan en pleine possession de son art, l’auteur tente de répondre à la question posée à l’écolier qu’il fut : «Profession du père».
C’est une histoire familiale sur fond de guerre d’Algérie, contée par un enfant depuis le 23 avril 1961, soir du putsch des généraux. Toute la réalité passe par la vision délirante qu’en a le père, tyran domestique affabulateur, colérique, violent, dont l’identité sociale demeure mystérieuse.
Exhibant une lettre du Général, il se dit agent secret, footballeur, héros de guerre, ancien Compagnon de la chanson, membre de l’OAS... et entraîne dans sa dérive son fils Emile qui, prisonnier des mirages, voit son éducation pervertie. Dès lors, le récit ne peut se résoudre que par le drame ou la fuite. Plus l’Histoire décolonise, plus la peur domestique colonise les consciences. A l’échelle d’une cellule familiale ce conflit entre réalité et fantasme peut s’entendre comme la description clinique d’une dictature.
S’il fallait définir la pathologie du père, sans doute parlerait-on de mythomanie : il se raconte des histoires et arrange la réalité pour se valoriser et donner sens à un monde qui lui échappe. Il est la métaphore d’un romancier sans mots : le réel sans l’écriture. «Do you read me?» demande-t-il à son fils alors qu’il veut dire «Do you hear me?». Signe d’un déchiffrement impossible du père qu’on ne peut entendre parce qu’on ne peut le lire.
Le remède sera pour le fils de mettre des mots sur le roman du père; ainsi doit-on lire la couverture du livre : «Profession du père : roman». Procédant comme le restaurateur de tableaux qu’il est devenu, le narrateur nettoie les souvenirs encrassés, rendant le réel intelligible. «Je répare la beauté», explique-t-il à son fils Clément. Auteur réconcilié de sa vie, Emile peut devenir clément."
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Né en 1952, ancien journaliste à «Libération», Sorj Chalandon est notamment l'auteur d'«Une promesse», prix Médicis 2006 (vendu à 40.000 exemplaires), de «Retour à Killybegs», Grand prix du roman de l'Académie française (52.000 ex.), et du «Quatrième mur», prix Goncourt des Lycéens 2013 (127.000 ex.). «Profession du père» a été tiré à 70.000 exemplaires.
Amitié