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gazou . dans
rencontres le
16 Octobre 2008 à 07:08
Ils étaient là, autour d'une table de café,heureuse de se retrouver comme tous les lundis soirs,après l'atelier.C'était un moment de soleil dans la grisaille quotidienne...et qu'importe si
le lendemain,la fatigue leur rappelait que la nuit avait été trop courte...Ils n'étaient jamais pressés d'écourter ce partage de paroles,de rires et de chaleur qu'ils savouraient ensemble.
Parfois pourtant,ce n'était pas la joie qui les unissait mais il leur fallait échanger les mots qui disaient la douleur de vivre et de mourir;Ainsi,un soir,à peine installés et les amis
réunis,Maeva lança que l'attente d'un enfant serait pour elle quelque chose d'impossible à supporter...Un tel c hangement dans la vie,elle ne serait pas capable de l'assumer...non,pas capable de
faire la place à un petit être tout neuf maisexigeant toujours plus,l'obligeant constamment à penser d'abord à lui avant de penser à elle...
Sybil écoutait sidérée,déchirée...car elle entendait,derrière ces paroles de refus,ces paroles tranchantes et sans appel...tout ce qui n'état pas dit,tout ce qui n'osait pas se dire,qui ne
pouvait pas se dire et qui faisait souffrir Maeva...Et puis Sybil avait une expérience si totalement opposée à celle de son amie que les paroles de cette dernière ne pouvaient que
l'interpeller violemment ,si violemment qu'elle en restait sans voix.
Toute petite déjà, Sybil savait que,pour devenir elle-même,elle devait mettre au monde au moins quatre enfants:elle ne pouvait exister autrement,pensait-elle..Et pas un
seul instant de sa vie,elle n'avait regretté leur présence et le temps qu'elle leur avait consacré . Bien au contraire,c'était elle qui se trouvait riche de tout ce qu'elle leur donnait ;
Tant et si bien qu'elle s'inquiétât,à la naissance du quatrième...Comment pourrait-elle les laisser partir librement,ces quatre trésors,s'il étaient la seule source de sa joie,si eux seuls savaient
la faire vivre ? Comment les aiderait-elle à devenir autonomes si elle-même était dans une dépendance aussi fusionnelle ?Or,pourquoi avoir des enfants si ce n'est pas pour favoriser leur
liberté?
Dès que les tâches matérielles devinrent un peu mois accaparantes,elle s'ouvrit à d'autres sources de joie et c'est pourquoi elle se trouvait,ce soir-là,à minuit passé, en compagnie de ses
camarades d'atelier.Quand elle écoutait quelqu'un,qu'il lui soit proche ou non,elle désirait sentir ce que l'autre sentait,le comprendre comme si elle était à l'intérieur de lui...Elle écoutait
donc Maeva avec une attention extrême...taisant l'émotion qui la faisait si fort vibrer;
Mais ce soir-là,quel vent soufflait et faisait vibrer les masques? La vérité se tenait -elle à table tout près de nous,?
Gilles qui,d'ordinaire,savait si bien feindre l'écoute était là et faisait écho à Maeva,il dit simplement le refus,ll'angoisse qui l'avait submergé,à la naissance de son dernier enfant,cet intrus
dont on n'avait pas prévu la chambre dans la nouvelle maison familiale,...Lui,le père,il était resté plusieurs jours,sans prononcer une seule parole avec les siens...Puis il continua,tant qu'à se
dénuder,lui qui était d'une pudeur extrême,il se dévoila plus encore parlant des deux avortements qu'il avait vécus avec sa femme.
Il n'y eut pas de vagues sur le lac tranquille de leurs esprits;.tout se passait à une profondeur telle que la surface restait immobile.
Mais quel choc violent pour Syubil ! Elle qui avait vécu chaque naissance comme un miracle...elle qui re-naissait à chaque nouvel enfant...Et voilà que ,devant elle,ses deux amis disaient
que cela pouvait être mortifère et qu'ils avaient préféré provoqué l'avortement pour ne pas vivre une expérience de mort....Voilà que devant elle s'ouvrait un pan de réalité jusqu'alors
méconnue.
En elle se tissa alors une toile très fort serrée de joie et de souffrance : joie de partager une conversation où l'essentiel se dit, où chacun peut être devant l'autre ce qu'il est au plus
profond de lui, joie de voir Gilles devenir transparent alors que d'ordinaire il se cache aisément derrière des cabrioles...Joie très puissante ...et pourtant souffrance profonde de voir
combien leur expérience intime est opposée.
Dans le groupe,il y avait aussi Vicenta qui écoutait intéressée tous ce que ses amis disaient mais,moins concernée,elle pouvait plus aisément garder une distance objective et offrir à chacun
d'eux une écoute authentique.
Isaline aussi s'était tue...mais c'était là son attitude habituelle...A cette époque ,elle n'envisageait pas encore qu'elle puisse avoir quelque chose d'intéressant à dire à ses
compagnons...Inquiets par son mutisme,les autres lui posaient parfois des questions;..questions malhabiles sans doute car elles ne faisaient que renforcer sa forteresse intérieure...Cependant,ce
soir-là,personne ne s'inquiétait d'elle et elle essayait de n'inquièter personne,en demeurant malgré la gravité de la conversation, dans une neutralité incolore. Comme d'habitude et même plus
encore,elle se tut mais au retour,dès qu'elle se sentit protégée à l'intérieur de la voiture qui la reconduisait chez elle,protégée comme dans un ventre maternel,sans rien comprendre à ce qui se
passait en elle,elle éclata en sanglots...mais,hélas,simples remous,la naissance ne serait pas pour ce jour là,,simplement la nostalgie d'une vraie vie devint un peu plus grande.
Il eut fallu que la bulle explosât, que les mots salvateurs puissent jaillir,mais eux aussi,étouffés avant que d'être nés,ils ne vinrent pas au monde;