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La liseuse de Vermeer (Le tableau du samedi)
J'aime cette liseuse et j'aime le regard que Christian Bobin porte sur elle
" Aujourd'hui, on n'écrit plus de lettres. C'est comme s'il n'y avait plus d'enfant pour jeter sa ballle de l'autre côté d'un mur.
Le monde a tué la lenteur. Il ne sait plus où il l'a enterrée.
Nous sommes en 1664. Un messager vient de passer, béni soit-il: il apportait, serrés sur une étroite feuille de papier, les mots de l'infini, des milliers de fleurs des champs accrochées à chaque arrondi de la phrase, traversant l'oeil de boeuf d'une voyelle, jouant avec le fer forgé d'une consonne. De tenircette lettre entre las mains, la femme couverte de lumière bleue en ressent la douceur trois fois . Une fois au bout de ses doigts qui serrent la lettre au point presque de la déchirer. Une seconde fois dans la chambre interdite de son coeur. Une troisième fois, mais tout cela arrive en même temps - dans l'âme qui est l'écho au ciel de toutes les joies que nous éprouvons.
La bouche de la lectrice est entr'ouverte. Elle boit le petit lait du ciel. Les hommes regardent les femmes et ils en perdent la vueLes femmes regardent les mots d'amour et elles y trouvent leur âme.
C'est pour moitout ça? C'est vraiment pour moi? Elle relit pour être sûre. Depuis cinq siècleselle relit la même lettre et par cette attention que rien ne décourage, la femme noyée de bleu fleurit la vie éternelle comme fait la pluie dont les diamants tombent par milliers sur le Creusot..."
Tout compte fait, c'est plutôt ce tableau-ci, toujours de Vermeer, que Christian Bobin contemple quand il écrit ce texte que l'on peut trouver dans "La Grande Vie"
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Commentaires
quand les mots de Bobin rencontrent la lumière de Vermeer, cela ne peut qu'engendrer une infinie douceur loin du tumulte des médias et de leurs images tapageuses
bises et bonne journée
3ulysseSamedi 16 Décembre 2017 à 12:51Coucou Gazou, je "prends" le tout avec enthousiasme, magnifique, quel plaisir de contemplation et de lecture ! Sur la deuxième toile la jeune femme est enceinte, pour moi cela renforce les mots de Christian Bobin. Gros bisous !
Les mots de Christian Bobin, s'accordent à la perfection avec ce grandiose tableau de Vermeer, j'ai mieux le second tout en bleu.
En effet, "noyée de bleu" évoque le second tableau, alors que le premier est pourtant plus attachant à cause de la belle fenêtre et de l'uniformité des couleurs brunes... Merci Gazou pour ces beautés, que les phrases de Bobin illuminent en effet.
C'était charmant, le temps des lettres...il fallait longtemps pour qu'elles arrivent et cependant les mots en semblaient frais du jour, jamais on n'imaginait qu'"il" avait peut-être changé d'avis depuis qu'il l'avait postée... Ces mots du passé touchaient le présent. Dans un livre de Han Suyin elle raconte comment, amoureuse d'un journaliste de guerre, elle reçoit encore ses lettres après avoir eu la nouvelle de sa mort... ça me semblait plus horrible que sa mort-même....
Le thème est le même, le commentaire va bien pour les deux, sauf qu'à la fin on se dit :" la femme noyée de bleu" ??? où voit-il du bleu ???, et puis on descend un peu plus bas dans la page et on comprend. Merci Gazou, c'est très beau.
Je ne connaissais que le premier tableau que j'aime beaucoup. Le texte de Bobin est magnifique ! C'est vrai que l'on écrit moins de lettres , c'est dommage .
Bonne soirée Gazou
Tu as raison, c'est le second tableau... mais tout est très beau.
Merci pour le partage, Gazou.
Passe une douce journée.
ces deux toiles dégagent une certaine paix. La deuxième est plus colorée ce qui donne un air plus moderne !
avec le sourire
En effet, les mots de Christian Bobin évoquent peut-être davantage le second tableau. Il semble que la liseuse vient à l'instant de recevoir la lettre, tant son être est tendu vers la lecture. Le bleu du vêtement, la tapisserie sombre ajoutent à l'émotion. Dans le premier tableau, on pourrait penser à une lettre lue et relue de nombreuses fois alors que la pensée est maintenant très loin. Les deux sont magnifiques.
Amitiés
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un bon billet pour ce samedi-
étonnant je trouve le deuxième plus moderne - du même artiste-
merci pour les explications- c'est interressant-
bisous-