• L'art de perdre de Alice Zeniter

    L'art de perdre

     

    "Puissant, bouleversant, profond... les adjectifs ne manquent pas pour qualifier le roman d'Alice Zeniter : "L'Art de perdre". Ce roman raconte l'histoire d'une famille algérienne et permet de comprendre la guerre d'Algérie avec un regard neuf.C'est une petite fille de harkis qui l'écrit

    L'héroïne, Naïma, part à la découverte de ses origines et de son identité. Pour cela, elle devra composer avec le silence, les non-dits et l'absence de mémoire collective. Au gré des 512 pages, le lecteur découvre que la liberté d'être soi s'acquiert par la volonté. Ce livre a reçu le prix Goncourt des lycéens 2018.

     

    Au-delà de la guerre d’Algérie, c’est avant tout un roman sur l’exil. "Je me suis lancée dans cette entreprise au moment où j’ai réalisé le parallèle avec la situation actuelle des migrants, explique l’auteure sur France 24. Parler de cette histoire, c’était parler d’un voyage qui ne finit jamais et dont il est impossible de déterminer l’arrivée." Car l’exil entraîne dans son sillage les générations suivantes.

    C’est aussi une histoire sur la transmission. Le fils aîné d’Ali, Hamid, qui voit son père, ancien notable respecté de son village réduit aux tâches répétitives et harassantes qu’impose l’usine, diminué dans un appartement exigu, fait table rase du passé. De sa Kabylie natale et sa fuite vers la France, il ne racontera rien à ses enfants.

    Dans la troisième et dernière partie du roman, c’est pourtant Naïma, la petite fille de harki et galériste parisienne branchée, qui enquête sur ses origines algériennes. Elle fait resurgir l’histoire familiale du passé. "Plus que la question des harkis, le livre questionne ce qui se transmet d'une génération à l'autre", précise Alice Zeniter.

    L’écrivaine, née à Alençon d’une mère normande et d'un père lui-même fils de harki, aurait pu écrire ce livre à la première personne. "Ça faisait quelques années que je me disais qu’un jour, je creuserais ce silence dont j’avais hérité et qui faisait que je ne savais pas pourquoi ma famille était arrivée d’Algérie en 62", confie-t-elle sur France 24.

     

     

     

    « Ce qu'on ne transmet pas, ça se perd, c'est tout. Tu viens d'ici mais ce n'est pas chez toi », rétorque à Naïma un artiste algérien. Née dans une famille harkie, la jeune galeriste ignore tout de l'Algérie et de l'enfance de ce père, débarqué à Marseille en 1962. Elle est juste venue récupérer les dessins d'un chantre de l'Indépendance. Et un peu d'elle-même, forcément, de ce passé kidnappé par ces grand-père et père qui ont préféré tout oublier. Dès les années 1950, l'Algérie massacra trop de ses fils au service de la France colonisatrice. Qui abandonna d'ailleurs sans remords ses « collaborateurs » : à leur arrivée, le gouvernement gaulliste parqua dans de misérables baraquements la minorité de harkis qui avait pu échapper aux représailles du FLN.

     

    Avec un sens très pictural des situations fortes, des rencontres et affrontements poignants — elle a aussi pratiqué le théâtre —, Alice Zeniter raconte courageusement la tragédie de ces ­sacrifiés de l'Histoire. Sans préjugés ni certitudes ; avec exactitude et romanesque. Elle est elle-même petite-fille de harkis. Sa saga aux allures de dérisoire et sinistre épopée brasse le destin de la famille Zekkar, de 1930 à aujourd'hui, et celui d'une Algérie qu'on n'en finit pas de rejeter de ce côté-ci de la Méditerranée. Sait-elle trop notre irresponsabilité nationale et nos xénophobies ordinaires ? Dans Jusque dans nos bras (2010), Alice Zeniter s'élevait déjà contre les racismes. Et les histoi­res des peuples n'intimident pas cette normalienne engagée de 31 ans : Sombre dimanche (2013) contait de ­sinistres existences hongroises avant et après le communisme. L'Art de perdre, son cinquième livre et le plus puissant, le plus sensible et rayonnant, est un aboutissement — parce que d'inspiration autobiographique ?

     

    Ici, c'est la culpabilité mortifère de toute une communauté bannie des siens, et le silence de la honte, de la peur où elle se réfugie, qu'Alice Zeniter met en scène. Pour se libérer du fardeau qui pèse sournoisement sur elle, sur eux, Naïma enquête sur cette parentèle dont le roman croise habilement les parcours. Le patriarche, le fils, la petite-fille : trois personnages, trois époques, trois pans d'Histoire et de culture arabe et française, trois manières d'être au monde. Et de revendiquer, aussi, son statut d'homme ou de femme... A condition de savoir accepter ses fantômes et de se délivrer du jugement des hommes, à condition de renoncer à la haine et ainsi s'alléger — tolérer de « perdre » sans oublier. Zeniter décrit en cinq cents pages, tout ensemble violentes et mélancoliques, la progressive réconciliation avec soi. « Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître », écrivait joyeusement la poétesse américaine Elizabeth ­Bishop (1911-1979). Elle a ­offert son titre à ce beau livre en mouvement, qui ne s'achève pas vraiment. Conscience à l'affût, Alice Zeniter refuse pensées toutes faites et conclusions faciles. —"                                       Fabienne Pascaud

     

     

    J'ai lu ce livre il y a quelques semaines

    et la critique de Fabienne Pascaud correspond bien à ce que j'ai ressenti en le lisant

       
       
       
       
       
       

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Samedi 28 Novembre 2020 à 19:59

    Une critique très bien faite.

    Bises et bonne soirée

    2
    Samedi 28 Novembre 2020 à 20:18
    Durgalola
    Je note le nom de l'auteur. Bises et bon dimanche.
    3
    Samedi 28 Novembre 2020 à 20:33

    tout comme la relation France- Algérie, la Belgique souffre aussi de son trop long silence envers ses moeurs cruels  en Congo Belge ...  ce genre de récit nous incite à connaître l' Histoire réelle et non plus celle qui s'arrangeait de bonne conscience afin de minimiser les maux esclavagistes que nous y perpétrions  ...

    tu me donnes envie !

    amitié .

    4
    Samedi 28 Novembre 2020 à 21:12

    Je l'ai lu, Gazou, et tout comme toi, une grosse émotion et bcp d'intérêt en le lisant.... Une belle leçon d'histoire et d'humanité... C'est poignant !

    Merci et gros bisous

    5
    Samedi 28 Novembre 2020 à 21:39
    Andrée Galera

    Je ne le connais pas mais ton ressenti me donne envie de le lire.

    Belle soirée Gazou

    6
    Samedi 28 Novembre 2020 à 23:12

    Ce livre semble passionnant en effet et tu le présentes bien !

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    7
    Dimanche 29 Novembre 2020 à 12:03

    À lire ton article, je comprends que ce livre ait obtenu tous ces prix, la façon dont l'auteure raconte cette histoire semble très intense. Merci pour cette découverte Gazou et bon dimanche !

    8
    Dimanche 29 Novembre 2020 à 15:31

    J'ai lu ce livre en début d'année et je l'ai beaucoup aimé. Passionnant et très intéressant, e le recommande souvent ….

    bon dimanche Gazou

    amitiés

    9
    Mardi 1er Décembre 2020 à 10:52

    Bonjour, Gazou. J'ai beaucoup aimé ce roman aussi. 

    J'en profite pour te dire que j'ai cherché à te contacter sans trouver le moyen sur ton blog, peut-être pourrais-tu me faire signe via le mien ? Merci d'avance.

      • Mardi 1er Décembre 2020 à 15:05

        j'ai essayé de t'envoyer un commentaire sur ton blog mais je crois bien qu'il ne t 'est pas arrivé et je ne comprends pas pourquoi...alors je te le re-écris ici

        ""merci pour ton commentaire qui me permet de découvrir ton blog et ce livre de Henry James"

    10
    Samedi 5 Décembre 2020 à 10:27

    je l'ai lu aussi c'est un roman bouleversant

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