• Grisélidis Réal ( le tableau du samedi de Lady M.)

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     Avec Grisélidis, peinture,écriture et théâtre se rejoignent...Et combat pour la justice

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     Née entre les deux guerres (1929) à Lausanne dans une bonne famille protestante, Grisélidis entre à l'école des Arts et métiers de Zurich à 20 ans et en sort avec un diplôme de décoratrice, avant de se marier en 1950. Elle divorce, donne naissance entre 1952 et 1959 à quatre enfants de trois pères différents. Puis elle s'enfuit à Munich.

     

    Grisélidis raconte : la misère, la première passe, les clients. En allemand "faire le trottoir", se dit littéralement "marcher sur le trait", c'est ça la prostitution, "marcher en équilibre sur cette ligne de douleur", dit-elle. Les hommes. Pourquoi viennent-ils la voir ? Que viennent-ils chercher dans ses bras ? Qu'attendent-ils d'elle ? Pas le bonheur, ça non, Pas faire l'amour non plus, ça ressemblerait même plus souvent à un combat, dit-elle. "Ils viennent se venger sur une putain", et ils peuvent être dangereux. Il faut savoir s'y prendre, redoubler de tendresse ou bien de fermeté. "Moi, on n'a jamais pu me tuer", dit-elle.

    "Grisélidis"

    Il lui faut acceuillir "ces hommes qui n'ont pas de femme à prendre dans leurs bras", ces hommes éduqués dans l'interdit. Il faut les comprendre. Alors "vous n'êtes plus vous-même, vous êtes l'autre, vous êtes dans la peau des autres", explique-t-elle, "Je les aime les gens", poursuit-elle. Pour un peu elle "leur ferait gratuit". Car c'est surtout du réconfort que viennent chercher tous ces hommes, du nain bossu au bon père de famille, en passant par le travailleur immigré. Elle les accueille tous, sans distinction, la prostitution comme humanisme.

    Et puis il y a les petits matins, le travail d'une longue nuit achevé. Grisélidis se regarde dans le miroir, ne reconnait plus son odeur, la matière dont elle est faite, la sensation qu'on lui a tout enlevé, et la nausée. "Je ne sais plus qui je suis", dit-elle.

    On remonte à l'enfance, une mère protestante, ultra rigide, qui ne perd jamais une occasion de culpabiliser sa fille. "On ne perd jamais une miette d'une enfance massacrée", dit-elle. Le bien, le mal, le bonheur imposé (se marier, avoir des enfants). Grisélidis Réal a tout envoyé balader et payé cher sa liberté. En 1969 elle écrit un roman autobiographique "Le noir est une couleur", arrête la prostitution pendant quelques années, puis replonge. Mais en 1975 elle rejoint le mouvement baptisé "la révolution des putes". Elle a trouvé une forme à son combat.

    Coraly Zahonero, magnifique, se donne corps et âme

    Sur scène, un dispositif simple, qui concentre toute l'attention du spectateur sur les mots de Grisélidis. De temps à autres, la voix se tait, relayée par la musique du violon, le chant de l'âme, ou du saxo et ses sonorités graves, sur des airs gitans qui font danser Grisélidis. Sa vie, son combat pour la liberté, ses amours, la sexualité, elle parle sans tabou, conjuguant provocation, passion, douceur, et humour.  Le verbe est cru, la langue très belle. Sur scène, Coraly Zahonero, habitée par son personnage, happe le spectateur au premier mot, l'hypnotise, ne le lâche plus jusqu'au dernier, interprète magnifique de cette voix bouleversante.

    Elle porte le projet depuis plus de quatre ans, Coraly Zahonero, sociétaire de la Comédie-Française. En 2011, bouleversée par Grisélidis Réal, femme, écrivain, peintre, et putain, la comédienne décide de faire entendre la parole libre et poétique de cette femme exceptionnelle, découverte par hasard dans un entretien diffusé par la télé suisse romande datant de 2002.

    Grisélidis Réal a alors 73 ans. C'est deux ans avant sa mort. "Quarante-cinq minutes d'interview, pas un 'euh', pas une hésitation, c'était une parole au scalpel. J'étais scotchée", se souvient la comédienne, qui se lance alors dans une exploration minutieuse de la vie et des écrits de cette femme "d'une grande intelligence".

    Coraly Zahonero à Avignon à la sortie du spectacle, "Grisélidis", le 11 juillet 2016

    Coraly Zahonero à Avignon à la sortie du spectacle, "Grisélidis", le 11 juillet 2016

    "J'ai capté tout ce qui me parlait d'elle", poursuit-elle. Elle lit "Le noir est une couleur", son unique roman, publié dans les années 60, mais aussi d'autres textes, comme "Le sphinx", "La passe imaginaire". Elle écoute attentivement les entretiens filmés, lit ses correspondances, rencontre ses enfants. "J'ai amassé une matière gigantesque !", s'exclame Coraly Zahonero. et elle décide d'en faire quelque chose.

    "Il faut faire exister cette parole de vérité qui fait du bien"

    "Je me suis dit, cette femme est morte. Elle n'est plus là pour se faire entendre. Moi je suis actrice, on m'écoute, il faut faire exister cette parole de vérité qui fait du bien", explique Coraly Zahonero. "Et puis je trouve qu'il y a une puissance littéraire dans ses écrits, mais aussi dans ce qui se dégage de sa parole, quand on l'écoute. Pour moi, en tant qu'actrice à la Comédie française, cela a toujours été important de faire découvrir une langue. Et Grisélidis, c'est un style", poursuit la comédienne.

    L'actrice passe alors une année à organiser toute cette matière, pour en faire un spectacle. Résultat, un très beau texte, cohérent, qui donne vie à un magnifique personnage.

    Grisélidis Réal - Extrait de "Prostitution" de Jean-François Davy (1976)

    "Il y a un parallèle entre le travail d'actrice et celui de prostituée. C'est une chose qui m'a intéressée dans ce projet. On entre dans la loge comme elles entrent dans leur camion à Vincennes. On se prépare pendant une heure. On se maquille. On change de nom pour devenir un personnage et on met sa vie de côté, son corps à distance. C'est la même chose et pourtant il ne viendrait à l'idée de personne de considérer le travail d'acteur comme une chose dégradante", souligne Coraly Zahonero. (d'après culturebox )

     

    Les dessins de Grisélidis Réal, et le livre de contes " Le cheval nuage", exposés à la Maison Ripert, Avignon

    Les dessins de Grisélidis Réal, et le livre de contes " Le cheval nuage", exposés à la Maison Ripert, Avignon

    © Laurence Houot / Culturebox

    "C'est important de se nourrir", conclut la comédienne, qui a aussi oeuvré pour la publication d'un livre pour enfants,  dessiné à l'origine par Grisélidis pour son mari, car elle était aussi peintre.

     

    «La Méduse», dessin exécuté en 1964 aux stylos à bille et craies à l’huile, que Grisélidis Réal dédie à son fils Igor.


  • Commentaires

    1
    Samedi 6 Août 2016 à 11:12

    C'est vraiment magnifique, ces tableaux, autant que cette expérience terrible et déchirante de la nature humaine déchaînée... Pour les hommes qui les fréquentent, les prostituées sont des genre de "pot chambre" pour se soulager... Chance lorsque le soulagement porte davantage sur les émotions et où elles se transforment en "psy" de fortune ; mais quand il a trait au refoulement physique cela peut devenir grave et il faut vraiment avoir de la défense. Elle a vécu une sorte d'initiation, car se heurter à cette demande primitive et instinctive c'est comme ne plus exister en tant que personne. Ou alors il faut savoir s'élever au rang de "Grande Déesse Mère" et dominer ses soupirants...! Pas facile, vraiment. Mais c'est un destin qui rappelle notre Colette.

    2
    Samedi 6 Août 2016 à 12:08

    une belle découverte et un bel hommage mais je ne sais pas si j'aurais le courage d'aller entendre de tel propos , quand est submergé par sa propre douleur, on n'a pas très envie d'aller entendre celle des autres

    3
    Samedi 6 Août 2016 à 13:08

    Cela fait froid dans le dos. Une telle puissance créatrice et une telle implication dans un métier dont elle fait presque un sacerdoce. Bravo à cette actrice Coraly Zahonero qui s'est attachée à faire vivre la parole de Grisélidis. Et merci à toi pour cet article passionnant.

    4
    Samedi 6 Août 2016 à 14:21
    eMmA MessanA

    Ce qui m'attire le plus, c'est le leporello...

    Quel incroyable personnage ! 

    5
    Samedi 6 Août 2016 à 15:12

    Bonjour Gazou,

    Je te remercie pour tous ces billets que je découvre chez toi dans lesquels tu nous partages des coups de cœur comme celui-ci et qui, du même coup, nous enrichissent. J'adore ce type de découverte, d'autant que c'est très intéressant, et magnifique. Merci encore.

    Très belle journée à toi.

    FP

    6
    Samedi 6 Août 2016 à 20:40

    J'avoue que je ne connaissais pas ses toiles, mais je connaissais l'artiste.

    Merci pour l'envie que tu me donnes de mieux la connaître.

    Bises et douce soirée.

    7
    Samedi 6 Août 2016 à 23:09
    erato:

    Je découvre .Je suis émue du combat que Griselidis a mené toute sa vie .Quel courage et quelle générosité dans ses actions.

    J' admire Coraly Zahonero de continuer ce combat  , un bel hommage.

    Bonne soirée Gazou

    8
    Dimanche 7 Août 2016 à 14:56

    dans ces tableaux, une recherche d'harmonie intense. La prostitution peut être dangereuse et elle l'explique bien ; elle est aussi pour certains hommes (je pense à des hommes malades psychiques) la possibilité de rencontrer intimement une femme qu'il ne rencontre pas dans leur vie. 

    Merci pour cet article. Bises 

    9
    Dimanche 7 Août 2016 à 17:12
    Daniel

    Une belle démarche de la part de cette comédienne, certainement enrichissante pour sa propre évolution.

    Quelle vie ! L'ombre et la lumière. La création est parfois à ce prix.

    10
    Dimanche 7 Août 2016 à 17:19

    je mets ton article d e côté pour essayer d'en savoir plus sur cette femme oh combien émouvante...On sort d ela lecture de cette présentation submergé(e) d'émotions diverses!merci beaucoup^^

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