L’amour de la modernité
« Le beau est partout, dans l’ordre d’une batterie de casseroles, sur le mur blanc d’une cuisine, aussi bien que dans un musée », écrit Léger en 1923. Il fait le constat de la puissance esthétique de la vie moderne, trépidante et colorée »
Un créateur voyageur
Fernand Léger est né le 4 février 1881, à Argentan, en Normandie. Après avoir été apprenti chez un architecte de Caen, il s’installe à Paris en 1900 et devient assistant photographe. Trois ans plus tard, il est admis à l’Ecole des Arts décoratifs, mais refusé aux Beaux-Arts. Il découvre l’œuvre de Cézanne, peintre aux compositions très structurées, très architecturées. En 1908, il travaille dans les ateliers de la célèbre Ruche, à Montparnasse, et fréquente Robert Delaunay, Marc Chagall, Chaïm Soutine. En 1911, il expose sa première toile au salon des Indépendants (La Noce). Un critique de l’époque le qualifie de «tubiste». Après la Grande Guerre, il rencontre Le Corbusier et découvre l’œuvre de Piet Mondrian. Avec Dudley Murphy, il réalise le film «Ballet mécanique». En 1936, il collabore aux activités de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR). Il réalise les costumes et les décors d’un ballet de Serge Lifar (David triomphant). Deux ans plus tard, il part aux Etats-Unis où il réalise des fresques pour l’appartement de Rockefeller, à New York. En 1940, il se réfugie en Normandie, puis il fuit la France pour un nouveau voyage aux USA. Il enseigne au Mills College (Californie) et participe à l’exposition «Artists in exile» chez Pierre Matisse. 1945, il adhère au parti communiste français, depuis New York. Première rétrospective, en 1949, au Musée national d’art moderne de Paris. Il s’installe à Biot où il réalise ses premières céramiques, il illustre également la grande salle de l’ONU, à New York. Il crée des vitraux en Suisse et au Venezuela. En 1955, il séjourne à Prague pour le Congrès des Sokols. Il décède, à Gif-sur-Yvette, le 17 août, de la même année. Ce peintre voyageur a donc eu une vie bien remplie
Quand Léger peint cette toile, il est revenu du front et recommence une vie normale. Mais il se souvient des tranchées et des corps déchiquetés. Les bras ressemblent à des tubes métalliques et cela préfigure ses recherches esthétiques à venir, sur le monde industriel. Le fond de la toile est divisé en zones géométriques, qui me rappellent Cézanne, même si le sujet principal de l’œuvre est bien sûr : l’horreur de la guerre.
Cette œuvre représente un ouvrier assis de dos, avec au centre de la toile une feuille rouge sur laquelle on reconnait la lettre R. Cette lettre est un clin d’œil aux innovations en matière d’illustration des livres d’avant-garde, qui intéressent beaucoup Léger. De plus, l’artiste observe souvent les grandes enseignes lumineuses publicitaires. On retrouve tout cela dans cette œuvre, qui est à elle toute seule, une... ville.
La révélation du cinéma
Fernand Léger a une véritable fascination pour le cinéma. Pour lui, c’est avant tout l’art de la modernité. Il découvre le 7e art, lors d’une permission en 1916, en compagnie de Guillaume Apollinaire et Max Jacob. Certains experts affirment que Fernand léger a failli abandonner la peinture pour le cinéma, mais là, le débat est ouvert... Toujours est-il que l’artiste reçoit un choc, lorsqu’il voit Charlot et sa démarche mécanique sur grand écran. Il dessine plusieurs fois Charlot et, dans les années 20, il écrit le scénario d’un dessin animé intitulé «Charlot cubiste». Il conçoit également quelques illustrations de ce Charlot, qu’il veut désarticulé et coloré. Le dessin animé ne se fera pas, mais Léger s’en servira dans le générique de son film « Ballet mécanique », en 1924.
Fernand Léger associe les corps humains aux objets de la modernité, d’autant qu’il adore aller voir un spectacle de danse ou de cirque. Le corps en mouvement le fascine. Il conçoit des décors, des costumes et participe à une dizaine de créations. Ami de la grande famille du cirque, les Fratellini, il admire la forme circulaire de la piste et la souplesse des artistes. Il s’en souvient encore lorsqu’il peint, en 1944, cette toile. Ici, les corps se transforment en formes abstraites et tout est mouvement. Je me demande si Keth Haring a vu ce tableau, il y a plus d'un point commun entre ces deux artistes.
La peinture dans l’espace
Vers 1950, à Biot, Léger s’essaye à la céramique. En réalité il veut donner du relief à sa peinture. Il utilise souvent des motifs de fleurs ou de fruits. Cette fleur polychrome est peinte sur les deux faces. Elle fleure bon la bonne humeur, c'est un soleil à elle toute seule.
Hommage aux ouvriers
Avec le temps, Léger affirme de plus en plus ses idées politiques dans ses toiles. Dès 1936, il écrit : « Libérer les masses populaires, leur donner une possibilité de penser, de voir, de se cultiver. La classe populaire a droit à tout cela. Elle a droit sur ses murs à des peintures murales, signées des meilleurs artistes modernes ». Cette toile est l’aboutissement d’une série consacrée à la classe ouvrière, celle qui œuvre sur les chantiers et dans les usines. Elle illustre aussi la reconstruction de l’après- guerre. Plus réaliste que ses travaux précédents, elle témoigne de l’envie de Léger de s’inscrire dans la tradition de la grande peinture. Mais, avec Léger, les angelots et les saints sont remplacés par des ouvriers et les architectures d’églises, par des structures métalliques. Léger réinvente la peinture classique, à sa façon.
Congés payés
Dans cette très belle toile, réalisée deux ans avant sa mort, le peintre évoque les premiers congés payés de 1936, après les luttes sociales du Front populaire. Dans une ambiance, qui rappelle les films de Jean Renoir, l’artiste peint une famille au bord de la mer. Pour illustrer la force du rêve devenu réalité, la végétation évoque des coraux, mais un homme en casquette à gauche a bien les mains dans le cambouis...
d'après Thierry Hay
Je suis béate d'admiration devant les oeuvres de ce peintre.
Je me demande s'il a côtoyé Kupka, notamment au cours de sa période qui met en valeur les rouages, les tubes, les figures géométriques associées au monde moderne et industriel ?
Merci pour cette page qui met à l'honneur cet artiste.
Beau week-end à toi, à tous.