• Azheimer

        

     

     

    "Mon père a séjourné un an dans une de ces maisons digne de figurer au patrimoine de l'inhumanité

    .Jamais son visage ne s'est éteint. Je ne crois pas ce qu'on me dit :

    "Ils ne nous reconnnaissent plus.". Reconnaître , c'est aimer et aimer c'est sauvage, indicible.

    quand mon père ne savait plus rien de moi, il savait encore qui j'étais, je le sentais, je l'éprouvais et ce qu'on 

    éprouve est plus grand que tout ce que nous dit la science.Ne trouvant plus les prénoms, il rusait.

    Interrogé sur moi, il répondait : "c'est celui qu'on n'oublie pas.",

    et sur ma mère : "c'est la meilleure". Ces oublieux n'oublient rien d'essentiel.

    C'est ce qui les distingue de nous."

                                  Christian Bobin  (L'homme-joie page 135)

    Ce sont parfois les plus démunis qui nous apprennent l'essentiel.

    Je me souviens, il y a quelques années, je visitais régulièrement une vieille dame en maison de retraite. Elle aussi ne me reconnaissait pas et ne savais plus du tout où elle se trouvait mais lorsque j'arrivais auprès d'elle,  son premier geste était de prendre   mes mains dans les siennes et elle me disait :"je vous réchauffe  vos mains,elles sont glacées et vous après, vous pourrez réchauffer celles des autres."


  • Commentaires

    1
    Lundi 2 Mars 2015 à 17:57

    chaque cas est différent

    oui, il reste des fragments de mémoire, de même qu'à la fonte des glaces, il en reste des blocs qui flottent

    et dérivent de ci de là, selon les courants.

    Rien d'essentiel ne serait oublié ?

    J'en suis moins sûr que Bobin.

    2
    Lundi 2 Mars 2015 à 18:05

    Ils ne nous reconnaissent pas au sens où ils se souviendraient de nos prénoms, liens familiaux, évènements partagés avant, mais ma mère aussi prend mes mains, me sourit, m'embrasse et pour moi, c'est l'essentiel. Son regard dit ce que sa tête ne parvient plus à organiser.

    3
    Lundi 2 Mars 2015 à 18:21

    ce sont de bien jolies phrases mais moi qui m'occupe de ma mère TOUS LES JOURS, (elle n'est pas en maison de retraite), je sais bien ce qu'elle a oublié et le peu qui lui reste, sans doute a-t-elle des souvenirs mais comme elle ne sait plus les dire, comment savoir?

    Je lui répète à longueur de temps que pour allumer sa télé, il faut juste appuyer sur le bouton rouge, elle me demande dans la seconde qui suit comment elle doit faire etc...etc...

    Pendant les vacances je lui ai emmené mon petit fils, elle était totalement incapable de savoir à qui était cet enfant, elle ne sait plus rien de sa propre famille. Elle me reconnaît encore mais parfois elle me demande "et qui tu es toi?"

    Alors sans doute que cela arrange Christian Bobin de s'imaginer que son père ne l'avait pas oublié, peut-être était-ce vrai, peut-être ce doute lui a-t-il servi à faire de jolies phrases pleines d'humanité mais pour avoir emmené ma mère à plusieurs reprises faire des évaluations dans des centres accueillants des malades, je préfère croire ce que disent les neurologues et les gérontologues.

    Ce qui est certain, c'est qu'ils savent feindre à merveille. L'autre jour une dame est venue la voir, elle lui a fait un grand sourire en lui laissant croire qu'elle la reconnaissait (cette brave dame  était très contente) mais dès qu'elle est partie, ma mère m'a demandé: "mais qui c'était?"

    Par contre elle a gardé intacte sa façon d'excuser mon frère qui ne vient la voir qu'une fois par mois, qui ne me demande jamais comment je m'en sors, qui m'évite comme si j'avais la peste. mais pour elle , c'est son fiston à qui elle voue une admiration sans borne quant à moi qui je suis là à son service je dois tout subir d'elle et c'est normal!

    4
    gazou
    Lundi 2 Mars 2015 à 20:56

    Bonsoir Azalaïs,


    Je comprends ton amertume et ton exaspération, je sais combien il est difficile d'assurer le quotidien de personnes aussi gravement désorientées...je pense que moi-même je n'en serai pas capable et que je préférerai faire de fréquentes visites  plutôt que d'avoir une telle personne à charge..Il faut être plusieurs pour s'en occuper et ainsi pouvoir se relayer....

    5
    Mardi 3 Mars 2015 à 01:31

    Pour avoir fait du bénévolat pendant 15 ans auprès des personne en perte d'autonomie, je sais que c'est très gratifiant, mais s'occuper d'un parent à la maison quotidiennement comme Azalais c'est tout simplement inhumain.

    6
    Mardi 3 Mars 2015 à 08:53

    Oui, Dieu seul sait se qui nous arrivera plus tard et ce que nous deviendrons....

    7
    Mardi 3 Mars 2015 à 09:42

    Bonjour Gazou, C. Bobin a écrit un merveilleux livre sue la maladie de son père( La présence pure) et pour m'être occupée pendant 4 ans d'une amie atteinte de cette maladie, je rejoins Azlais mais aussi C. Bobin car tout ce qui touche l'affectif me semblait intact…On peut parler comme lui de "l'âme en direct"...

    8
    Mardi 3 Mars 2015 à 10:07

    Bonjour,

    L'essentiel est invisible pour les yeux...

    Bisous

    9
    Mardi 3 Mars 2015 à 11:26

    Bonjour Jackie,

    Merci pour ton commentaire, c'est exactement ce que je pense et  je n'arrivais pas à trouver les mots pour le dire, voilà qui est fait

    10
    nicole 86
    Mardi 3 Mars 2015 à 12:58

    Bonjour,

    l'affectif est (peut-être) intact, parfois les mots manquent ... 

    Comment dois je alors comprendre que sur l'album photos, maman reconnaisse sa mère et son mari, qu' elle ajoute :'il y a beaucoup de petites filles (c'est moi, qu'elle ne reconnait pas), et où est le petit garçon ? (s'agit-il de mon frère mort avant ma naissance dont l'ombre portée a assombrie toute sa vie et celles de l'enfant de remplacement que je suis). Je précise que jusqu'à ces derniers mois, je n'avais jamais vu de photos de mon frère et que je viens juste de trouver parmi le grand désordre des photos de ce bébé mort à onze mois en 1950. Le fantôme est présent, la vivante n'existe plus (pas ?).

     

    D'habitude, maman m'appelle madame, me vouvoie et semble m'assimiler aux personnes qui s'occupent d'elle. Une fois, elle m'a tutoyée   ... ce jour-là, elle a montré de la colère envers moi.

     

    J'ai tellement peur de faire subir cela à mes filles et mes petits enfants.

    11
    Mardi 3 Mars 2015 à 19:55

    Quels magnifiques mots que ceux que cette dame t'a adressés, Gazou ! :-)

    12
    Mardi 3 Mars 2015 à 21:20

    Une très jolie phrase qui me fait penser à une autre de Marc Lévy. 

    "En passant, tu m'as souri. Un peu plus tard, ce détective qui vient souvent déjeuner par ici est passé en voiture, il m'a regardé avec son éternel air bougon. Nos regards se sont croisés, je lui ai confié ton sourire, et quand il est reparti, je l'ai vu, il le portait sur ses lèvres. Alors, avec un peu d'espoir, il l'aura transmis à celui ou celle qu'il allait voir. Si tout le monde faisait ça, rien qu'une seule fois par jour, donner juste un sourire, imagines-tu l'incroyable contagion de bonheur qui filerait sur la terre"

    Alors je te laisse mon plus beau sourire à défaut de pouvoir te réchauffer les mains. 

    13
    Mercredi 4 Mars 2015 à 15:23

    Christian Bobin écrit des choses merveilleuses... Mais pour l'avoir vécu en direct moi aussi, comme Azalais, sauf que j'étais chez mes parents... je peux témoigner que mon père ne reconnaissait plus ses petits enfants, voir même mon mari ?! Mais comme il a toujours été un grand "taiseux", comment savoir s'il nous  reconnaissait vraiment ma mère et moi, qui étions toujours près de lui ? Il ne fallait surtout pas le changer de son contexte habituel, sinon il paniquait et se sauvait !

    Très dur à vivre, Azalais, comme je te comprends ! Ses colères, aggravées par la confusion qui le désorientait totalement, étaient imprévisibles et terriblement violentes... et particulièrement injustes !

    J'ai eu la drôle d'idée de lui en vouloir.... Et pourtant, je le comprends aujourd'hui, que j'avance dans l'âge, l'âge qui fait perdre le nom des personnes que l'on apprécie, oublier le visage d'une personne hors de son contexte (ex : l'artisane que l'on côtoie tous les dimanches matin sur son stand sur le marché... qui vient à la maison et que je ne remets pas ! rouge au visage !!!)..

    Je comprends sa douleur de ne plus s'y retrouver, et sa douleur devant l'attitude souvent méprisante ou empreinte de pitié de l'interlocuteur fier d'en n'être pas encore à ce stade ... et qui le dominait de toute sa hauteur... ce qui doit aggraver la confusion, le refus de ce handicap, et la peur et la colère qui en découlent !

    Je sentais sa peur plus grande chaque jour, une angoisse de mort !

    J'ai voulu visiter des "résidents" pendant quelques années dans une "maison de retraite" où s'entassaient des Alzheimer et Parkinsoniens ! J'ai du arrêter, car je ne supportais plus malgré tout l'amour que j'avais pour eux !

    Bisous à toi Gazou et une gerbe de bisous à Azalais

     

     

    14
    Mercredi 4 Mars 2015 à 19:06

    merci de nos parler d'eux par la voix de Christian Bobin et la tienne aussi - bises

    15
    Vendredi 6 Mars 2015 à 00:18

    Je ne sais pas... j'ai lu les mots de Bobin, les tiens, ceux d'autres ici.


    La souffrance est palpable dans certains commentaires.


    La seule chose que je peux dire c'est que je souhaite ne pas vivre assez pour infliger aux miens de telles souffrances.

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