• Ah ! Que n'ai-je étudié....

    C'est un concours auquel j'ai participé il y a cinq ou six  ans..
    Je retrouve le brouillon et le voici ....

    «Ah ! que n ‘ai-je étudié du temps de ma jeunesse folle »
       Mon pauvre François VILLON, combien vaine ta plainte et fallacieux tes regrets. Toi, tu n’as pas étudié, cela se peut mais bien ou mal, tu as vécu, tu as joué , tu as dansé , tu as célébré la vie.
      Moi, ma jeunesse ,je ne l’ai pas vécue.. .on m’a amputée de ce temps précieux et j’en ressens le manque
    comme un membre qui m’a été arraché. Et, croyez moi, sauter à pieds joints de la petite enfance à l’âge
    adulte,c’est un saut périlleux et  je ne suis pas sûre de l’avoir réussi.
      Parler, je ne le pouvais pas, et puis à quoi bon, il n’y avait personne pour écouter.
      Crier, quelle effronterie , quelle indécence, ainsi rameuter toutes les oreilles sur ce vermisseau que je suis..
    Allons un peu de dignité!
      Chanter, même si ton coeur déborde d’un trop plein de vie, oser déranger les voisins, quelle inconvenance!
      Danser, sauter de joie, oser sortir les gens de leur routine journalière... .ce n’est même pas imaginable.
      Jouer avec les garçons. Stop danger. « Viens vite, ma fille, coudre et repasser et puis ranger la maison ».

      Mes frères jouaient avec leur copains et moi je restais à la maison, j’avais le droit de bien travailler en classe,
    de lire et d’écrire dans mon coin ; çà, çà ne dérangeait personne. Quant aux travaux ménagers, je les ai vite
    délaissés tant les critiques tombaient dru sur ma pauvre tête... j’étais maladroite, étourdie ,pas dégourdie.
    bonne à pas grand-chose.
      Je ne me plaignais pas car je ne ressentais rien. Rien ne vibrait dans ce pauvre corps inhabité que je traînais
    bon gré mal gré. derrière moi. Une simple corde me reliait à lui et vaille que vaille le tandem avançait...
    Ainsi je le vivais ; mon corps était là où on lui disait d’être et mon âme, mon esprit ou mon coeur, comme on voudra, pouvait s’envoler en des lieux plus joyeux. Mon corps, je n’étais que vaguement concernée par cequi lui arrivait; ainsi la souffrance était éliminée. . . et je passais des heures à rêver à cet ailleurs merveilleux où les gens chantaient, dansaient, parlaient, disaient simplement ce qu’ ils ressentaient et osaient la tendesse.
      Et pour m’aider à créer cet univers, il y avait bien sûr les livres . A la maison il y en avait peu..
     Mais ma chance de survie, ma bouffée d’oxygène, ce fut la petite bibliothèque de quartier où j’allais toutes les semaines. Je me souviens de la joie intense que j’éprouvais en découvrant le poème de Baudelaire :« mon enfant, ma soeur, songe à la douceur...»
      J’étais encore en primaire mais je savais que cela était écrit pour moi et je m’en émerveillais.
      J’édifiais ainsi mon domaine enchanté, enchanté certes, mais combien illusoire.
    La vie se chargea de le détruire
      Alors que faire devant un tel bilan?
    Se désoler, se dire que c’est trop tard, que le temps perdu ne se rattrape jamais ! Non, bien sûr,  si stériles sont
    les regrets!
      Ma jeunesse si tard venue je vais la vivre avec rage, avec passion. avec amour aussi et avec tendresse, avec une infinie tendresse... Et maintenant je me donne les moyens de mes rêves. . .  L’ivresse de la vie, je la vis à grands goulots... Brève ou longue, peu importe .... A nous deux, maintenant, ma vie. Chaque matin, je nais à ma jeunesse enfin dévoilée..

  • Commentaires

    1
    Mercredi 16 Décembre 2009 à 19:20
    Je te suis Gazou
    tout en me demandant : mais zoù qu'elle nous zemmène ?
    ... voyage intérieur plein de suspense
    2
    Mercredi 16 Décembre 2009 à 19:26
    Triste. Apprendre devrait être un plaisir. Je le vivais ainsi. J'aurais bien voulu faire des études comme les autres et quand je l'ai fait l'on s'est acharné contre moi. Mais j'avais quand même réussi un bon parcours quand le pire est arrivé, détruisant la structure de la famille. 
    Bisous
    clem 
    3
    Mercredi 16 Décembre 2009 à 19:28
    Je me dis en te lisant qu'on présente ainsi les classes prépa.. et c'est triste. Il est triste aussi que des jeunes soient dégoûtés de l'enseignement par l'enseignement. 
    bisous
    clem 
    4
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 02:43
    Par chance que tu as su rattraper le temps et ne pas te laisser submerger par la déception. Le fait de lire beaucoup t'as sûrement ouvert le chemin.
    5
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 04:49
    Les livres ont sauvé bien des enfants!
    Comme toi, j'ai survécu grâce à eux!  Aujourd'hui, je me rattrape aussi!
    Comme je te comprends!
    6
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 06:46
    "Chaque matin, je nais à ma jeunesse enfin dévoilée". Voilà une phrase forte qui peut parler à bien des personnes. En tout cas, je la reprends aussi à mon compte.
    Merci de nous offrir ainsi un peu du mystère de vie qui est en toi comme un chacun, une vie plus forte que ce qui empêche de vivre.  
    7
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 07:49
    oui, il y a en nous une vie plus forte que tous les obstacles
    8
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 10:10
    J'aime ce texte...

    Tu vois, il aurait pu être écrit pour moi.

    Merci pour cette jeunesse tardive que tu m'apportes aujourd'hui.
    9
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 11:09
    cri de vie désespéré?
    10
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 19:43
    Que de" Mozart " Assassinés !!!
    Heureusement que quelques fois on se rattrappe sur le tard..
    Très bonne soirée
    Jackie
    11
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 21:03
    Merci, Gazou, merci infiniment pour ce partage...Je suis tellement touchée encore par cette vie qu'on t'a prise...Tant de choses qu'on a fait taire en toi...Finalement c'est une chance quand on arrive, magré tout, à se construire avec un bagage aussi lourd...Et ne pas te plaindre en plus, ne pas te révolter...Heureusement que tu as pu t'envoler...
    "Chaque matin, je nais à ma jeunesse enfin dévoilée.." Je retiens cette phrase...J'en ai deux pour aujourd'hui, une chez Quichottine et une chez toi...Précieux viatique...
    Ne pas cesser de naître ! Et chante, Gazou, chante à tue-tête ! Ou en doux murmure...Ne cesse plus non plus de chanter...
    Je t'embrasse...
    12
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 22:09
    Oui, les regrets et les regards dans le rétroviseur ne servent à rien, vivre le présent, construire l'avenir, quoi de plus censé?
    Belle soirée...
    13
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 23:37
    Je ne sais pas si tu as gagné ce concours, mais ce brouillon est admirable.
    Il me fera revenir chez toi...
    Belle jeunesse à toi,
    eMmA
    14
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 23:51
    revanche ? parfois c'est bon...
    besos
    tilk
    15
    Zilberman
    Mardi 2 Juillet 2013 à 16:51
    Bravo, bravo, Solange, pour ce morceau choisi. Tu me donnes des frissons d'enthousiasme. Tu te lèves, tu veux être, tu te lèves contre des idées toutes faites, une imbecilité de raisonnement, un enfermement culturel... Solange il t'arrive de te dépasser dans tous les blogs que tu nous envois depuis deux ans. S'il te plaît, essayes d'abord toi même de sélectionner ceux que tu préfères dans l'idée de les publier, fais les confronter à l'opinion de ceux que tu aimes. Ce dernier texte fais le photocopier à plusieurs exemplaires. Je veux le distribuer à ceux qui se sont enterrés dans une éducation mortifère et pourquoi pas dans des classes primaires où des enfants ne voient pas leur chance d'apprendre ! La vie est si précieuse et l'homme est si bête, souvent. Gérard pour qui la jeunesse est éternelle.
    16
    catherine2
    Mardi 2 Juillet 2013 à 16:51
    il est fort ton texte gazou, j'aimerais t'entendre le lire ...
    17
    polly
    Mardi 2 Juillet 2013 à 16:51
    http://www.jiwa.fm/track/Georges-Chelon-167183/Les-fleurs-du-mal-baudelaire-200434/L-invitation-au-voyage-1601000.html


    Comme on nous abîme l'enfance! Nos parents eux-mêmes abîmés poursuivent l'héritage, l'engrenage.
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