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" Il faudrait être encore plus simple
si simple que l'on puisse entrer
dans la simplicité du vent,
du soleil poussiéreux,
du linge qui pantèle sur la corde sans se plaindre.
Il n'y a pas de désespoir dans le monde
ni d'espoir.
Il n'y a que la simplicité du vent
du soleil
du linge
de la corde.
Il n'y a que la simplicité de l'eau,
ses vergetures d'accouchée.
Il n'y a que l'eau,
le caillou, la simple nécessité de brûler et de mourir;
Il faudrait pouvoir entrer sans frémir
dans les choses
comme les choses entrent dans les choses;
Pourquoi cette révulsion de notre coeur,
Pourquoi cet éternel énervement de nos nervures?
La pensée ne construit rien, le sentiment nous épuise.
Nous serrons les dents et saignons
sans accoucher.
Nous pianotons sur les choses
comme une pluie dont chaque goutte
aurait peur de se faire du mal.
Nous sommes les électrisés du monde.
Nous n'entrons pas." Jean Rousselot
J'avais déjà publié un texte sur la simplicité
Voici le lien http://gazou.over-blog.fr/article-la-simplicite-89671242.html
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"Pour humilier, il faut être deux. Celui qui humilie et celui qu'on veut humilier, mais surtout: celui qui veut bien se laisser humilier...
Ce matin, je m'enchantais du vaste horizon que l'on découvre aux lisières de la ville et je respirais l'air frais que l'on ne nous a pas encore rationné. Partout, des pancartes interdisaient aux juifs les petits chemins menant dans la nature. Mais au-dessus de ce bout de route qui nous reste ouvert, le ciel s'étale tout entier. On ne peut rien nous faire, vraiment rien. On peut nous rendre la vie assez dure, nous dépouiller de certains biens matériels, nous enlever une certaine liberté de mouvement tout extérieure, mais c'est nous-mêmes qui nous dépouillons de nos meilleures forces par une attitude psychologique désastreuse. en nous sentant persécutés, dépouillés, opprimés. en éprouvant de la haine. en crânant pour cacher notre peur. On a bien le droit d'être triste et abattu, de temps en temps, par ce qu'on nous fait subir; c'est humain et compréhensible. Et pourtant la vraie spoliation, c'est nous-mêmes qui nous l'infligeons.
Je trouve la vie belle et je me sens libre. En moi des cieux se déploient aussi vastes que le firmament. Je crois en Dieu et je crois en l'homme, j'ose le dire sans fausse honte. La vie est difficile mais ce n'est pas grave...
Si la paix s'installe un jour, elle ne pourra être authentique que si chaque individu fait la paix en soi-même, extirpe tout sentiment de haine pour quelque race ou quelque peuple que ce soit, ou bien domine cette haine ou la change en autre chose, peut-être même à la longue en amour - ou est-ce trop demander? C'est pourtant la seule solution...
Je suis une femme heureuse et je chante les louanges de cette vie, oui vous avez bien lu, en l'an de grâce 1942, la énième année de guerre." Etty Hillesum (Une vie bouleversée, Points, page 132)
Je relis ce que Etty a été capable de penser et d'écrire et de vivre alors que c'est la guerre et que la chasse aux juifs bat son plein...
Auparavant,j'ai appris qu'une librairie francophone de Belgique, Filigranes, a décidé de ne pas commercialiser le pamphlet de Richard Millet qui fait l'apologie du tueur norvégien Anders Behring Breivik...Elle n'a pas voulu cautionner cet appel à la violence et à la haine...Et je suis heureuse qu'au moins un libraire ait réagi ainsi.
Je rappelle que Anders Breivik est ce norvégien qui a tué froidement des dizaines de ses concitoyens pour les punir de ne pas partager son point de vue sur la défense de la race pure. Il était en état de légitime défense, a-t-il dit , il s'était senti agressé par leur présence...
Si chaque fois que quelqu'un ne pense pas comme nous, allons-nous lui tirer dessus?
Au nom de la liberté d'expression, peut-on tolérer que des êtres, envahis par la haine et la peur, déversent impunément leurs mots empoisonnés?
Et pourtant cette liberté d'expression, elle est essentielle, il faut la défendre.
Et continuer à croire en l'homme , comme le fait Etty, alors qu'elle vit au coeur même de l'horreur la plus absolue.
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Elle vivait cloîtrée dans sa petite maison depuis des années.
Son seul contact avec l'extérieur était la télévision.
Son seul plaisir aussi.
Non, manger était un plaisir aussi.
Elle avait un mari cependant
mais ce qui les maintenait unis,
c'était la haine
et peut-être l'attachement à cette maison.
Elle allait de son fauteuil à son lit
et du lit à son fauteuil.
Elle laissait à son mari
le soin d'aller jusqu'à la boîte aux lettres
au bout du petit jardin.
C'était trop loin pour elle;
Il est vrai qu'elle n'attendait rien:aucune lettre, aucun journal.
Lorsqu'ils s'étaient rencontrés,
elle avait déjà eu la polyomélite
et c'est lui qui lui avait réappris à marcher.
Elle a travaillé pendant plusieurs années,
puis ses difficultés motrices ont peu à peu réapparu,
et elle a cessé de travailler.
Et elle s'est enfermée dans sa rancoeur, dans sa maison;
Au début, quelques collègues venaient la voir,
puis les visites se sont faites de plus en plus rares
et elle s'est enfermée dans sa bulle.
Je parle d'elle au passé
comme pour mettre une distance entre elle et moi,
elle que je ne connais pas.
C'est une de ses anciennes collègues qui m'en a parlé
et depuis je ne cesse de songer à elle
et de me demander comment elle fait
pour survivre dans cette solitude,
dans cette absence de liens,
cette absence d'amour;
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Cette table et cette horloge ont longtemps vécu dans une maison encombrée de meubles sombres et anciens
et je ne leur trouvais aucun attrait.
Mais installés dans un autre logis clair et peu meublé, les voilà métamorphosés.
Le milieu dans lequel nous vivons provoque-t-il la même transformation sur nous, êtres humains?
Avons nous besoin d'un certain entourage pour dévoiler notre beauté?
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Ce matin , je range les papiers, je jette, je trie, je relis
Et je redécouvre ce petit texte avec lequel je suis tout à fait en accord
et pourtant il m'arrive d'oublier...
" D'un évènement négatif, il est toujours possible d'extraire une chance.
On dit qu'à toute chose malheur est bon, ce qui signifie que si un échec n'est jamais souhaitable, et moins encore une souffrance ou une épreuve, force est de reconnaître que si ceux-ci ne sont pas évitables, il dépend de nous d'en être écrasé ou de faire surgir, sur la force incandescente de la douleur, une forme nouvelle d'espérance.
Une destinée est moins formée par les évènements eux-mêmes qui jalonnent une vie, que par la manière dont nous avons su accueillir, interpréter, relier, réajuster, au besoin convertir ces évènements."
François Garagnon
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