Quelle journée délicieuse que  ce jour d'aujourd'hui...Pas une fausse note....Rien d'extraordinaire cependant.

Tout d'abord, je me réveille à sept heures seulement, ce qui est une heure très raisonnable...Souvent le sommeil me quitte avant que le jour se lève et je me traîne une partie de la journée...Mais ce matin, je suis fraîche et dispose, prête à me réjouir de tout et de rien, enfin de ce qui vient...Tout d'abord, je savoure mon petit déjeuner   : deux tranches de pain beurre miel...et je savoure  aussi le silence qui m'enveloppe à ce moment là...Et profitant des bonnes dispositions du jour, je continue les rangements commencés  la veille..Et c'est un plaisir de mettre de l'ordre quand on le fait dans la détente et la bonne humeur...

Et je n'ai pas toujours le coeur à l'ouvrage, alors il faut en profiter quand il y est...L'après midi, je m'installe dans le jardin avec un bon livre "Le peintre au couteau"..Je vous en parlerai sans doute..Je me retiens pour ne pas tout lire d'une seule traite et faire durer un peu le plaisir...Le soir, deux amis passent...nous plaisantons , échangeons des nouvelles, buvons une bière...Je suis heureuse de les voir, je pensais justement à eux tout à l'heure...Ma voisine me propose de venir manger  avec elle et une autre voisine...Je les rejoins pour le dessert...Nous nous quittons en admirant le croissant de lune qui illumine le ciel...tout a le goût du bonheur et je l'engrange, ce jour heureux, pour faire face aux jours plus pesants....C'est un jour qui coule comme une source d'eau pure .

  La plupart des veuves que je rencontre me parlent de leurs maris merveilleux  mais la plupart des épouses ,elles, se plaignent de leurs maris exécrables...C'est une réflexion que j'ai plusieurs fois entendue...Et chacun de s'étonner de ce comportement apparemment si incohérent !

  Mais, à bien y réfléchir, est-ce si étonnant ?

  Que surnagent-ils dans nos souvenirs?

  Surtout, les bons moments, les moments ensoleillés où chacun a donné le meilleur de lui-même, le plus vrai de sa personne...Enfin, il était lui, enfin elle était elle ! Quand on a vécu, ne serait-ce que quelques instants, de tels moments d'éternité...c'est d'eux qu'on se souvient et ils effacent toutes les querelles stupides qui nous ont séparés et qui perdent alors leur importance et s'estompent dans le néant . Ceux qui se sont aimés savent transformer l'absence  en présence : un amour fécond est toujours vivant....

  C'est ainsi que je m'explique ces comportements qui, à première vue, peuvent paraître hypocrites, fallacieux ou se berçant d'illusions...Bien sûr, bien sûr,  c'est infiniment mieux de reconnnaître les qualités  de l'autre quand il est encore vivant, pour lui comme pour nous...

  Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet ...et je sens que ma pensée n'est pas très claire mais ce matin, je ne sais aller plus loin...

Je retrouve ces notes d'un livre lu il y a longtemps et je les laisse résonner en moi

"Il y a tant de choses qui peuvent être réelles et qui sont fausses; Parfois des choses qui ne sont pas réelles et qui sont vraies."

"On n'est jamais relié aux autres que parce qu'il y a de plus riche en soi. On aime pour s'élargir, accueillir la vie"

"Quelqu'un est immortel quand notre âme s'est mélangée à la sienne : la parenté de l'esprit plus forte que la proximité charnelle"

"Certains êtres, une fois morts, se mettent à vivre d'une vie nouvelle"

                                                                                              Jean Sulivan (Miroir brisé)

Comme toujours,non j'exagère...comme souvent ,je suis partagée.

Entre le besoin de silence, de solitude, sinon je m'éparpille, je me dilue, je ne sais plus où je suis

 et le besoin tout aussi urgent de relations, de contacts, de chaleur humaine...

Et quand la maison est pleine de cris, de cavalcades, de rires et de désordre, une nostalgie de silence me saisit...et pourtant je sais bien que je vais avoir un pincement au coeur quand ils vont partir...

Alors profiter de leur présence quand ils sont là, le vivre entièrement ce temps présent et s'en délecter malgré la fatigue...

Et se réjouir tout autant du calme qui suivra...

Et accueillir tout aussi bonnement le prochain prévu ou imprévu qui viendra l'interrompre et, dans cette alternance, retrouver la sérénité.

Pour le moment, toute la maisonnée dort  et je me repais de silence et de paix, j'en fais provision pour la journée.

  D'abord,elle me parut laide...Trop long ce nez ! Sans intérêt,cette tête ! A peine l'avais-je aperçue,déjà,je détournais les yeux,à l'affût de personnes plus séduisantes.
  Et la soirée s'écoule,oublieuse de ce visage à peine entrevu.Mais certains étant partis,là voilà qui se rapproche et se trouve,quel hasard,en face de moi !Je ne peux plus l'ignorer,il faut bien que je la regarde,que je prête une oreille aux paroles qui d'elle me parviennent...et , est-ce encore un hasard? De quoi parle-t-elle? Elle parle d'écriture,elle me donne son nom:"Cylène" !Tiens C comme Cyrano ! et si de son cousin,elle a la disgrâce,dame,elle en a aussi l'esprit !
  Et me voilà bien marrie d'avoir d'elle mes yeux détournés. moi,si promte à juger les esprits qui aux apparences seules accordent quelques valeurs,j'aurais désormais plus d'indulgence car dans ce même travers me voilà tombée et m'en voilà toute déconcertée.
  Et cette belle dame je remercie dans un long sourire silencieux pour ce, qu'en cet instant,sans qu'elle ne s'en doute,elle vient de m'apprendre,et c'est pourquoi mon merci restera silencieux.
  Et pour que la leçon porte davantage ses fruits,là voilà,tout aussi inconsciente et sereine,qui s'apprête à partir et pose sur sa tête un quelconque chapeau,un peu haut cependant,eh stupéfaction !


.Cette dame que j'ai si mal jugée tout à l'heure ,quand elle était assise à table,c'est qu'elle a fière allure avec ce chapeau et ce demi sourire accroché à ses lèvres.Quelle tête originale est-ce là et qu'il me plaît de la contempler !Quel dommage,elle s'en va déjà et je n'ai pas su la rencontrer.
  Car de Cyrano,son frère,en plus du nez,de la plume et du panache,je suis sûre qu'elle avait aussi l'esprit,le coeur et une finesse exquise. Ah! triste méprise! Allais-je comme Roxane ne connaître la réalité que trop tard? J'ai bien failli partager son aveuglement. Il a fallu le miracle d'un quelconque chapeau pour que la métamorphose s'accomplisse et qu'à mes yeux soudain lucides ,Cendrillon se dévête de ses oripeaux, Hélène quitte ses laids sabots et qu'enfin je sache contempler l'être qui est devant moi.
  Le rideau des illusoires apparences déchiré, j'ai connu une réalité plus profonde et je m'en suis réjouie.

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