•   Un dimanche, les grand-parents arrivèrent avec une nouvelle plante que, dirent-ils, ils voulaient apporter le jour même  au cimetière. Leur belle fille les y conduisit et emmena l'enfant...Jusqu'alors ces visites lui avaient été épargnées car elle y allait à la sortie de son travail...L'enfant refusa d'entrer et s'agrippa à la grille, il trépigna tant et tant que les vieux désemparés se rendirent seuls sur la tombe...Eux, la fête, ils ne savaient plus la reconnaître qu'en ce lieu puisque c'était le lieu des retrouvailles et ils ne comprenaient pas que le désir d'y venir n'ait pas été donné à l'enfant par sa mère...Ils se  sentirent incompris, abandonnés mais pas un instant ils ne doutèrent d'agir pour le mieux...Ils demandèrent pardon à leur fils de n'avoir pas su lui emmener le petit : ç'aurait été une telle joie pour eux d'être ensemble tous les quatre à fleurir sa tombe puisque l'univers désormais se réduisait à ce lieu et à eux quatre séparés de lui : désormais présence et absence absolue.
      Pendant ce temps, maman consolait son petit garçon lui caressant les cheveux et le couvrant de baisers très doux pour qu'il se calme et parce que, soudain, elle avait très peur de le perdre. Ce jour-là, elle comprit que, par amour pour le disparu, elle devait sauvegarder son enfant...Il était vigoureux, il avait bien résisté jusqu'à présent et souvent riait aux éclats....mais il devenait de plus en plus capricieux, embrassant avec fougue les deux pauvres vieux pour les rejeter un moment après...C'était surtout avec eux qu'il était contrariant et désagréable....

      Un jour pourtant, qui les décida? qui provoqua cette rupture dans leur vie sans vie d'alors ? Ils décidèrent d'aller à Lourdes.
    A peine arrivés dans leur chambre d'hôtel, ils installèrent au centre de la pièce la grande photo  qui le représentait avec eux et deux ou trois autres encore..ils se rendirent à la grotte. ..Ils partagèrent la douleur des malades..Eux aussi étaient infirmes puisque amputés de leur fils..Et de les voir tous si douloureux et pourtant l'espoir toujours naissant, leur propre douleur s'en trouva un peu moins lourde...Il s'y attardèrent  donc quelques jours..
      Pour la première fois, depuis la mort de son mari, elle se trouva seule avec son fils, tout le dimanche...que l'air était léger et bleu le ciel ! Ils rirent pour des riens, se promenèrent dans le bois voisin  (A suivre )

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  •   Un jour, ce bonheur de vivre que l'on croyait éternel, ne fut plus que du passé.
    Coup de téléphone, accident.Le fils est à l'hôpital. Le fils est mort. Un grand blanc. Les aiguilles de l'horloge cessent de tourner !
      Tous ceux qui étaient venus pour le mariage revinrent pour l'enterrement . Les parents se montrèrent dignes, presque impassibles tout au long de la cérémonie...En fait, ils étaient morts avec leur fils.....Ils organisèrent ce qui leur restait de vie comme devant servir uniquement la mémoire de leur enfant bien-aimé...Leur maison devint un sanctuaire :. Partout des photos de lui : Antoine bébé, Antoine à l'école, Antoine en communiant, Antoine à la maison,  Antoine sur le stade, Antoine jouant du piano, Antoine le jour du mariage, Antoine à la maternité auprès de sa femme et de son enfant et la toute dernière photo, bizarrement, c'était entouré de ses deux parents qu'on l'avait pris...Celle-là, ils l'avaient faite agrandir et encadrer : elle était là pour nier l'absence et les gens qui venaient leur rendre visite étaient pris d'un vague malaise en regardant le trio dévoilé par la photo qui occupait le centre de la salle de séjour. 2tait-ce avec les morts ou avec les vivants qu'il fallait poursuivre le dialogue?
      D'ailleurs de quoi parlaient-ils? Evidemment du fils, du temps où ils étaient réunis...La seule chose qui pouvait leur faire plaisir, c'était que le visiteurn parle de lui au présent, comme s'il venait de le rencontrer au coin de la rue. Leur visage alors s'illuminait. Ils sortaient de leur apathie habituelle et se mettaient à égrener les mille et un souvenirs qui étaient leur seule richesse désormais.
      Tous les dimanches, ils allaient voir leur belle fille seule avec l'enfant...Ils faisaient aussi le voyage dans la semaine pour se rendre au cimetière..Il y avait plus de deux ans et leur constance ne faiblissait pas.
      Les amis qui ne supportaient pas de les voir ainsi figés dans le passé n'avaient qu'à s'éloigner..Même leurs deux filles, elles-mêmes bien vivantes n'étaient pas davantage écoutées..Ils étaient devenus incapables de s'intéresser à ce qu'elles vivaient ou disaient...Oublieuses de leur souffrance personnelle, elles essayèrent de venir en aide  à la jeune veuve..Mais celle-ci en était venue à redouter ces fins de semaine qui la mettaient en présence des parents éplorés.Ils étaient si lamentables qu'elle ne trouvait pas le courage de leur dire que leur attitude l'enfonçait dans un abîme sans fond, que toutes les nuits elle rêvait que près de la tombe ouverte de son fils, cette mère si aimante la faisait choir et eux tombaient à leur tour et la tombe aussitôt se refermait..Parfois l'enfant lui aussi était enseveli, parfois il échappait de ses bras avant qu'il ne tombe, il courait, il gambadait...Ces matins-là, l'espoir la tenait debout. Peut-être que cet enfant les sauverait...En effet, il était le seul à faire éclore un sourire sur les lèvres de ses grand -parents...Mais c'était un sourire triste et l'enfant trépignait...Les visages chagrins de son entourage l'étonnaient sans cesse...Dans la rue, il se précipitait vers les personnes qui rayonnaient la joie et les appelait "papa" ou "maman"  ( A suivre )

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  •   Ils avaient le sens de la fête et de la famille, les Pied-Noirs...et ce n'est pas parce qu'ils avaient dû s'exiler en France que les traditions allaient se perdre.
      Dans leur maison,la tendresse et la bonne entente embaumaient l'air qu'ils respiraient. Tous les cinq réunis à la même table, chaque jour, la même magie se renouvelait, leur joie d'être ensemble éclatait comme une évidence.
      Et lorsque le fils se maria, tous furent conviés : famille, voisins,collègues de travail,  amis proches ou lointains...Pour que leur joie soit complète, il fallait la partager avec toutes leurs connaissances.
      Lors de la cérémonie, la mère qui avait une voix magnifique chanta pour lapremière fois devant un public nombreux...
    L'église était pleine et sur la place la foule des curieux et, aux fenêtres, les gens du quartier se demandaient que personnage important se mariait ce jour-là..Eh bien non,les jeunes gens qui fêtaient leur alliance n'avaient aucune notabilité particulière..simplement, toutes les familles émigrées d'Algérie étaient là puisque c'était la fête de l'un des leurs.
      Et quelle ambiance ! Quelle joie éclatante pendant le repas..La mariée allait de table en table pour dire un petit mot gentil à chacun et pour recevoir leurs félicitations...La table était généreuse, les danses joyeuses : jeunes et vieux, souples et raides, tous y participaient...A un moment, la mère se mit à danser toute seule dans uns sorte d'extase non dissimulée, entourée de ses proches qui frappaient des mains pour accompagner sa danse.
      Des moments comme ceux-là sont sources de joie pour toute une vie...Il suffit de les faire jaillir de sa mémoire pour redonner goût à l'aube naissante et découvrir en soi l'énergie nécessaire aux tâches quotidiennes.
    Oui, cela suffit, tant que l'être aimé respire, même loin de nous...
      Le fils marié partit avec sa femme à quelques cent kilomètres de là. Un bébé vint réjouir leur union; Malgré la distance,les liens familiaux étaient si forts qu'ils avalaient allègrement les kilomètres pour le plaisir des retrouvailles. ( à suivre)

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  • Le matin  ne nous avait offert que du gris et de l'humide....
    J'avais accepté que le jour d'aujourd'hui soit ainsi...
    il y a tant à faire dans une maison,
    tant de gens esseulés à ensoleiller d'une visite...

    Et voilà qu'à midi passé, alors qu'on ne l'attendait plus,
    le bougre, l'insolent, voilà qu'il est apparu
    tout ravi de notre mine ahurie !
    On ne peut rester enfermé quand le soleil resplendit  .
    Allons arpenter les chemins forestiers
    Allons savourer les saveurs de l'automne

    Tout gris le matin, tout doré l'après midi,
    c'était pourtant le même jour,
    le jour d'aujourd'hui,
    et tel qu'il s'est donné, nous l'avons cueilli

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  •   C'est dans les grands espaces qu'elle respire l'âme qui nous habite.

      Etroites sont les limites du corps où elle est enfermée et qu'elle doit animer depuis qu'il est né.
     
      Et cette demeure ne lui semble pas à sa taille.

      Des noeuds rigides s'y forment partout où elle s'est blessée.

      Seules des mains attentives et quelques mots venus du coeur peuvent les détendre et les dissoudre pour qu'à nouveau circule le flux de la Vie.

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