•   J'étais très jeune alors, presque une enfant encore. Je feuilletais une revue lorsque une page m'arrêta éveillant en moi d'étranges résonances...Je venais de découvrir un poëme de Marie Noël. Il s'intitulait modestement "chanson" et faisait naître en mon coeur une déchirure délicieuse.  Or chaque phrase résonnait pour moi comme une musique familière, comme si brusquement toute ma vie se trouvait derrière moi. Comment si jeune et dans l'ignorance totale de ma vie à venir avais-je pu m'y reconnaître, je ne sais, mais c'était ainsi.
      Ce poème parlait d'une rencontre manquée comme chacun en connaît à ses heures...rien là que de très ordinaire...mais le ton était si mélodieux, si léger malgré la souffrance due à la perte, si doucement enivrant et sautillant qu'il m'avait un air de Paradis. C'était une chanson qui avait traversé des pays immenses, une chanson qui coulait frémissante et vive sur la pente de la montagne et qui portait en son gazouillis toute la joie et la douleur du monde. Ce n'était pas un air qui vous envoyait le malheur en plein visage, un air en détresse qui entraînait celui qui se laissait séduire à sa perte,. Mais bien au contraire il vous poussait en avant. Il venait de si loin et vous ouvrait d'étranges espaces. Il était le lieu  où le manque ne provoque nirévolte ni amertume mais devient lui-même source d'allégresse. (à suivre)

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                             " Retoucher la réalité n'est pas un crime - sans quoi nous sommes tous des criminels, nous dont l'esprit  vagabonde,dont les nuits se peuplent de songes, dont l'imagination s'épanouit, laissant le fantasme se glisser dans nos pensées. Qui peut distinguer ce qui est vrai, juste, exact, de ce qui ne l'est pas ? Il arrive que la vérité soit tissée d'impostures, que les creux aient l'importance des pleins, que les choses tues comptent autant, sinon plus, que  celles qui sont dites.                                                                                                                                                                                                Nous sommes tous des êtres de fiction, et nos chimères nous définissent bien davantage que le nom, la nationalité, la date et le lieu de naissance figurant sur notre carte d'identité. Nous évoluons dans nos espoirs, nos idées, nos histoires comme les nuages flottent dans le ciel : c'est là l'environnement naturel dans lequel nous baignons. Il m'apparaît parfois plus concret que le lit dans lequel je m'endors, la route que je prends le matin, les jardins dans lesquels je me promène certains dimanches, qui n'ont guère plus d'épaisseur à mes yeux qu'un décor de théâtre ou de studio.  N'est-ce pas précisément ce qu'on demande à un artiste, qui doit nous entrouvrir les portes d'un monde où la banalité fleurit en vision, où la laideur se sublime en beauté, où les désillusions de l'existence se dorent au soleil de l'art et se muent en brumes légères comme un fil de soie ? Alors la réalité ne se fausse pas en mensonge : elle s'accomplit dans l'espace, étrange et merveilleux, de la fable "
        
                                                                                            Minh Tran Huy (La double vie d'Anna Song)


    J'ai aimé ce passage car je touve difficile de séparer la fiction et la réalité. Souvent elles s'entremêlent étrangement...Il y a parfois plus de fiction dans une biographie ou  une autobiographie que dans une histoire inventée de toutes pièces. Il est parfois des faits divers qui nous apparaissent plus irréels que le plus chimérique des contes de fée. Qu'en pensez -vous?


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  •   Je suis dans le train. A côté de moi s'installe un couple âgé...A leur façon d'être ensemble, de se tenir l'un à côté de l'autre, je sens l'harmonie profonde qui règne entre eux...Les années n'ont pas émoussé leur amour.  De temps en temps, il lui glisse quelques mots à l'oreille....Ses yeux brillent quand il lui parle.  Elle l'écoute bienveillante....Lui a besoin de mouvement, il se lève, il revient , change de place, l'invite à venir auprès de lui...Là, il se sent mieux, elle, elle est toujours aussi sereine...Lui est bien, elle peut prendre un livre...
    Je les regarde...L'air est devenu plus léger !

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  • "Ils m'obéissent maintenant moins bien
    les mots. A propos
    de rien ils grommellent, ne font
    aucun cas de ce que je leur dis,
    ne tiennent pas compte de mon âge.
    Probablement sont-ils las de leur bride
    ,ne me pardonnent-ils
    ma main rigoureuse, mon indifférence
     au feu d'artifice.
    Je les aime, je n'ai jamais eu d'autre
    passion, et eux durant de longues années
    m'ont égalemnt aimé : ils dansaient
    autour de moi quand j'allais à leur rencontre.
    Avec eux je faisais du feu,
    ils nourrissaient mes jours, mais maintenant
    ils sont revêches, s'échappent entre 
    mes doigts, glissent entre mes dents
    si je tente de les retenir. Ou peut-être est-ce moi
    qui recherche seulement les plus abrupts ?"


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  •   Le dimanche suivant, ce fut l'enfer..Il fallut se repaître du passé puisque de nouveau ils étaient là; Il n'y avait pas eu de miracle à Lourdes, une simple rémission seulement. Et ils étaient revenus, toujours aussi figés dans une fidélité paralysante et déformante..
      L'enfant fut insupportable....
      Le lendemain, la maman leur écrivit une lettre pour les informer qu'elle ne serait pas là le week-end suivant...A peine avaient-ils reçu la lettre qu'ils se précipitèrent chez elle en montant dans le premier train en partance.''...Elle n'ouvrit pas la porte, elle se sentait incapable de les affronter... Elle téléphona à ses belles soeurs pour qu'elles lui viennent en aide...Celles-ci lui conseillèrent de déménager..Elles, elles s'occuperaient des parents...Qu'elle ne se laisse surtout pas désarmer par ceux qui, bonnes gens, la jugeraient odieuse...et qu'elle ne cherche pas à s'expliquer..Pour le moment, enfermés dans leur propre logique, ils ne pouvaient pas la comprendre...Mais peut-être que le choc leur serait salutaire !
      Elle déménagea, elle reprit goût à la vie, reçut à nouveau ses amis et ceux de son enfant qui, de naturel très sociable, invitait volontiers...Très souvent, elle leur envoyait un petit mot affectueux en leur disant de ne pas s'inquièter à leur sujet mais elle ne donnait pas son adresse.
      Un jour, quand ils seraient assez forts tous les deux, ils leur feraient la surprise d'une visite... et se retrouvailles seraient une fête....Elle y préparait son garçon en lui parlant  de ses grand-parents et de son père, en lui racontant tous les bons moment s qu'ils avaient vécu ensemble, en lui disant combien son père serait heureux de le voir aimer la vie comme lui l'avait aimé.

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