'D'après la consigne de Papier libre:
"Etant donné un mur,que se passe-t-il derrière?"  Jean Tardieu

Si je dois l'imaginer, ce mur,
c'est qu'il n'existe pas,
c'est que l'espace s'ouvre sur un vaste horizon illimité...

Maintenant,si je l'imagine,ce mur,c'est qu'il y a un dehors et un dedans,
un chez soi et un chez l'autre,
un espace clos et un espace ouvert...
Non,peut-être pas !
Le mur n'est peut-être qu'une limite
entre deux pays voisins
ou à l'intérieur d'un même pays...
Des cerveaux embrumés peuvent concevoir cela
et vouloir séparer ce qui doit être uni...

Ce peut être aussi un mur intérieur
plus solide et plus abrupt
que les murs de pierre ou de béton....
Les idées sont un matériau qui demande
beaucoup de finesse et de ténacité
pour se laisser abattre....
ET là,je peux répondre,je sais ce qu'il y a derrière...
Derrière,il y a la vie qui ne demande qu'à circuler et à réchauffer...
Derrière,il y a tous les désirs étouffés...
Derrière,il y a la liberté..
Derrière,il y a des êtres debout,des êtres vivants

Quand j'étais enfant,
j'adorais chanter  et ne le savais pas...Je n'avais pas de désirs,ou plutôt,je n'en avais pas le droit...J'avais le droit de me taire et j'étais complimentée pour cela....A vingt ans,mes collègues,une surtout,m'ont dit qu'elles aimaient m'entendre chanter...Je ne les ai pas crues,j'ai été étonnée,j'ai cru à de la gentillesse gratuite...Comment,moi, je pouvais donner quelque chose de moi en chantant,faire du bien à ceux qui m'écoutaient ! Cela m'a semblé trop beau pour être vrai...Moi qui étouffais ma voix depuis si longtemps,moi  que les professeurs avaient renoncé à interroger oralement...Et pourtant,tous mes rêves me le disaient:je me voyais toujours chantant sur une scène,chantant avec des amis,faisant de chaque moment de la vie un chant de joie...et tous les personnages que j'inventais chantaient tous merveilleusement et leur vie n'était qu'une longue comédie musicale....
Alors,parfois, je rêve à ma vie,celle que j'aurai pu vivre si l'on ne m' avait pas coupé les ailesJ'aurai chanté,Serai-je devenue professionelle ou aurai-je simplement satisfait mon désir en adhérant à différents groupes....comme j'essaie de le faire maintenant,mais il est un peu tard pour apprendre...
J'aurai chanté comme coule l'eau de la rivière,comme jaillit le chant de la source,en toute occasion...pas besoin d'une scène....chanter pour célèbrer la vie...Mais alors...qu'est-ce qui m'empêche de le faire maintenant?

Je rêve sur ce poëme de François  Cheng;
"Vers le soir
Abandonne-toi
à ton double destin:
Habiter le coeur du paysage
Et faire signe
 aux filantes étoiles"
Nous sommes des êtres voués à allier les contraires et je me sens écartelée  entre ce double destin en apparence contra dictoire....mais non l'équilibre est dans l'alliance des deux...J'avoue que j'ai beaucoup de peine à concilier ce besoin de voyage et de contacts et de mouvement et d'imprévu et ce besoin tout aussi impérieux de stabilité,de centre, d'isolement,de silence...Je ne sais comment font un Christian Bobin,une Emily Dickinson pour s'enivrer de leurs voyages immobiles et se ressourcer avec...Sans cesse tiraillés entre une chose et son contraire,voilà comme nous sommes,mais c'est ce tiraillement,c'est ce frottement qui nous fait grandir,nous pousse à être intègres....

Un peu plus tard dansla soirée,j'ouvre le livre de Pema Chodron:"Bien être et certitude"
"Le bonheur et le malheur ont besoin l'un de l'autre.L'un est source d'inspiration,l'autre est source d'attendrissement.Ils vont bien ensemble"

Je ne cherche pas.Ces phrases viennent à moi comme par hasard.Le hasard est un drôle de bougre.