• -Tu adorais dessiner:des personnages,surtout,en noir et blanc,toujours en mouvement,des guerriers surtout.
    -Tu voulais cacher cette trop grande sensibilié qui était la tienne et qui te permettait de saisir ce qui était à l'intérieur des autres.
    -L'année de CE2 fut pour toi catastrophique,tu étais en révolte contre ton père,ta moyenne a baissé de moitié,la directrice voulait que tu redoubles,la maîtresse n'était pas d'accord mais n'osait le dire...Finalement,tu passas dans la classe suivante.
    -Tu retrouvas des notes convenables et surtout de bons copains avec qui tu jouais bien.
    -J'évitais de te parler des devoirs et des leçons car cela ne servait à rien,ton dégoût de tout ce qui était scolaire était immense.
    -Ta scolarité cependanr s'est déroulé sans heurt jusqu'à la seconde.Là,tu arrivais presque à la moyenne,les professeurs ont jugé bon que tu redoubles et toi, tu n'as pas accepté.
    -Tu t'es retrouvé à redoubler dans la même classe avec plusieurs de tes bons copains.
    -Tu étais de plus en plus laconique,de plus en plus secret,avec des sautes d'humeur imprévues,mais je me sentais encore très proche de toi et sans trop d'inquiétude...Tout se passait assez bien avec tes frère et soeurs,il en serait de même pour toi.
    -Pensant que cela te serait bénéfique,je t'avais proposé de partir un an à l'étranger...Je  n'avais pas encore compris que partir au loin était beaucoup trop angoissant pour toi..
    -En février de cette année-là,un soir, tu n'es pas rentré du lycée...
    Seule,j'ai mené mon enquête..J'ai interrogé,j'ai cherché partout,au bout de  trois jours,j'ai obtenu une adresse possible...Je suis partie en voiture avec ton père et,miracle,vous étiez à déambuler,Malika et toi,d'un pas indécis,dans les rues de la ville...Nous vous avons ramenés...En fait,vous n'attendiez que çelà.....(Le jour de ton enterrement,je venais juste de rentrer à la maison quand le téléphone a sonné,c'était elle qui désirait avoir de tes nouvelles,elle ne savait rien,vous ne vous étiez pa s revus depuis...Et moi,je n'avais plus de voix pour  lui répondre...Pourquoi téléphonait-elle ,sans rien savoir,juste à ce moment -là?...Plusieurs de tes amis étaient là,ce jour-là,effondrés...Peu à peu tu avais commencé à les fuir et ils ne se doutaient de rien)
    -Après cette première fugue,tu n'as plus voulu retourner au lycée...J'avais cru bon,avec ton accord,de te changer de lycée à quelque trente kilomètres de chez nous...Je t'y conduisais le lundi et le jeudi matin (tu m'avais dit :dans une petite ville je serai plus tranquille) Cela a duré quelques semaines et tu n'as plus voulu y aller.Tu ne voulais rien,tu n'avais envie de rien,tu t'enlisais dans des marais invisibles.
    - Tu refusas d'aller voir un psychothérapeute "il te ferait accepter l'inacceptable"...Tu te sentais piégé...
    (à suivre)


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  • -Pour les vacances,tu acceptes un travail de serveur dans une petite ville près de chez nous...Quelques jours après,tu trouves le patron injuste et tu t'en vas...
    -Un ami de ton père te propose un nouvel essai comme apprenti cuisinier.Je t'accompagne à un rendez-vous chez ton nouveau patron; il est rigide et net....'Avec lui,c'est clair" me dis-tu en sortant.Le cadre était posé et cela te convenait.C'était contraignant mais tu semblais trouver là une colonne vertébrale,un semblant de sourire. Il était exigeant mais juste et cela te rassurait.
    -Al a rentrée,ton père t'avait inscrit à l'école hôtelière...Pour avoir la paix,tu avais accepté...Peut-être voulais-tu montrer ta bonne volonté...Mais très vite,tu sèches les cours,tu fugues...
    -Tu trouves toi-même une place comme apprenti-métallier tout près de la maison mais tu dois passer une semaine par mois à un centre de formation des apprentis...Tu y vas la première fois mais tu supportes mal la vie de pension et la seconde fois tu fugues...
    -Tu décides de réintégrer ton lycée,tu vas toi-même te ré-inscrire...Et pendant quelques jours tu vas être heureux,coopératif...Tu m'encourages à faire un stage de jumbee..."Tout le monde peut en faire" me dis-tu.Je crois revivre..
    -Nouvelle rentrée scolaire...Le 16 septembre,tu te taillades les veines...tes bras sont pleins de sang séché,on appelle le SAMU.Tu vas à l'hôpital,tu rencontres un psychiatre débile...
    -Tu vas dans un centre d'accueil à Caluire.Tu en reviens enchanté mais il faut attendre pour qu'il y ait une place pour toi et là,tu n'es plus décidé...La vie est un enfer: injures,mensonges,fugues...Tu nous déroutes.Quelle est  l  'attitude juste? Que faire?
    -Parfois une accalmie!Tu retrouves ta bonne humeur......(àsuivre)


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  • -Tu es né au mois de décembre comme un cadeau de Noêl.
    -Tu es le dernier d'une famille de quatre enfants.
    -Depuis que j'étais enfant,je savais que je devais te mettre au monde,que je devais avoir au moins quatre enfants,je ne sais toujours pas pourquoi,mais je me souviens du lieu et du moment où cette certitude s'est établie en moi.
    -Lorsque je t'attendais,au sixième mois de grossesse,j'ai eu des contractions,j'ai eu très peur..Si tu étais mort à ce moment-là,je crois que je serai morte avec toi ,tes frère et soeurs pourtant si petits et si charmants  n'auraient pu me retenir....peut-être est-ce cette expérience-là,cette angoisse que tu as partagé avec moi qui te faisait craindre si fort toute séparation?
    -Tu as toujours détesté l'école,dès la classe enfantine...Tu attendais le moment où je venais te chercher avec impatience.
    -Heureusement,apprendre pour toi était facile,tu as appris à lire sans que je m'en occupe.
    -Tu adorais l'histoire de France....Tant que tes maîtresses n'ont pas cherché à te l'apprendre: avec l'argent de tes étrennes,tu me demandais d'aller t'acheter des livres...Ta maîtresse de CE1 t'appelait en riant "monsieur Louis XIV" car tu parlais de lui comme si c'était une vieillle connaissance.
    -Tout petit,tu t'endormais avec un pistolet en plastique...Ce n'est que vers trois ans que tu as commencé à aimer les peluches.
    -Tu avais très peur de l'eau:je t'emmenais à la piscine,je te prenais dans mes bras,tu t'accrochais à mon cou et tu me serrais très fort. Ce fut une grande victoire quand tu appris à nager.
    -Tu n'avais pas envie de grandir comme si tu savais déjà que tes dernières années seraient trop dures à vivre...
    -Tu étais d'une jalousie extrême:quand un autre enfant,plus jeune que toi venait à la maison,tu avais une peur violente qu'il prenne ta place et je ne savais pas te rassurer.
    -Tu étais très affectueux,très attaché à moi,trop,et je voulais te voir grandir,vite, et ne pas te garder pour moi...Et pourtant que c'était bon cet amour débordant que tu exprimais.
    -Tu as appris à quatre ans à faire du vélo sans petites roues                     (àsuivre)


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  •   "L'une des grandes fidélités de mon existence-une sorte de vocation têtue-est la compagnie que j'aime tenir aux morts"         Christiane Singer
      J'aurais aimé qu'elle m'explique comment  elle leur tenait compagnie....cette phrase m'a toujours intrigué...Ce n'était certainement pas en se repliant nostalgiquement sur le passé,sur les moments vécus ensemble...Et ce n'est pas non plus ce que je veux faire,ce serait inutile et même malsain...Mais,avec les morts comme avec les vivants,il importe de garder "vivant" le lien qui nous unit, il faut le nourrir,prendre du temps pour cela et c'est ce que j'essaie de faire depuis ce jour anniversaire du 7 décembre...avec beaucoup d'hésitations et d'incertitudes...Pas facile de garder l'attitude juste....C'est à la fois doux et douloureux....Je me laisse porter par l'humeur du moment...Hier,j'ai appris la mort d'une de mes tantes...et son mari qui est  d'une extrême gentillesse,m'a demandé si je voulais bien préparer la prière au cimetière,le prêtre ne pouvant être là   que pour la cérémonie à l'église,j'ai accepté,je ne pouvais faire autrement....Et il m'a remercié chaleureusement,à tel point que j'en étais gênée...moi qui vais  si rarement à l'église,je ne me sens pas très capable de trouver les mots qui sauront tenir compagnie aux morts et aux vivants.....

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  •   Ce jour-là,ce fut comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu,un tremblement de terre soudain ou la nuit qui vous envahit en plein midi.
      Ce jour-là,tu n'es pas rentré du lycée !
      Les heures se sont écoulées,une à une,désespérées
    et tu ne rentrais toujours pas...
     

    J'ai appris que vous étiez plusieurs dans ta classe , à avoir décidé de partir, que les autres s'étaient dégonflés parce qu'il faisait trop froid...Seule une fille,complètement désorientée,qui projetait d'aller voler des chevaux pour s'envoler à l'étranger restait déterminée à partir et toi, tu avais décidé de l'accompagner...à la grande surprise de tes camarades car aucun lien ne t'unissait à elle...
      Je ne comprenais pas, je te pensais en danger, je ne savais pas quoi faire...On avait fait une déclaration à la police mais pour des adolescents, ils ne se mettent en recherche qu'au bout de plusieurs jours, la plupart des jeunes revenant d'eux-mêmes au domicile familial  ...Il fallait pourtant faire quelque chose...mais où te chercher?
      Cette première fugue,ce fut comme si la terre s'arrêtait de tourner....
      J'étais dans la stupeur la plus absolue...


      Toi, le petit dernier, qui avait eu tant de peine à vouloir grandir, toi qui avait toujours compté sur tes parents, sur ton frère et tes soeurs, dès qu'il y avait le moindre problème, tu étais part,i sans prévenir, sans savoir où aller...
      Tu attendais peut-être que quelque chose interrompe cette vie insipide que tu jugeais être la tienne..
      Depuis quelques mois, tu t'étais décidé à sortir parfois , avec tes copains, les samedis soir..puis tu avais cessé,je ne savais s'il fallait m'en réjouir ou m'en inquiéter...Et toi qui jusqu'alors avait si peu quitté le domicile familial,tu avais décidé de partir,sans savoir où aller...mais l'avais-tu vraiment décidé?
      Tes camarades avaient dû fanfaronner, dire que vous alliez tous partir, faire la fête,vous délivrer de ses parents et de ses profs ennuyeux qui vous empêchaient de vivre avec leurs exigences stupides. Et tu avais été très désappointé quand ils avaient décidé de renoncer à cette escapade festive...Qu'as-tu pensé à ce moment -là? Qu'est-ce qui t'a décidé à partir?
      Etais-tu si fort attaché à moi que tu éprouves le besoin de mettre une distance pour  trouver ton autonomie? Et il te fallait partir?
      Ai-je voulu te voir grandir trop vite et n'ai-je pas su comprendre qu'à toi, il te fallait un peu plus de temps qu'aux autres et que de toi-même, tu te détacherais de moi quand tu serais un peu moins fragile, quand tu aurais compris que l'amour ne peut pas être fusionnel?
      Désirais-tu obliger ton père à te mettre des limites? Tes fugues étaient-elles un appel que vainement tu lui lançais ?
      Pour ta toute dernière fugue,c'est avec son anorak que tu es parti,comme si tu avais voulu l'emmener avec toi dans ton errance et  c'est avec cet anorak que l'on t'a enterré.


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