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    L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) <updates@info-unhcr.org>

     

     

    Un village du Puy de Dôme ouvre ses portes pour les réfugiés

    Dans un village tranquille du centre de la France, plus de 100 réfugiés ont été accueillis depuis 2015.

     


    En novembre 2015, dans le Puy de Dôme, Pessat Villeneuve, qui compte 550 habitants, a ouvert les portes de son château aux réfugiés de Calais et de Paris, en le transformant en centre d’accueil et d’orientation (CIAO). Depuis lors, il a accueilli 136 réfugiés.

    Voici le récit que font les habitants du village de cette année d’accueil.


     

    « La haine, ça fait du bruit. La solidarité c’est silencieux, mais c’est terriblement efficace et mobilisateur » déclare le Maire Gérard Dubois.   © HCR/Benjamin Loyseau

    Le maire

    A notre arrivée, le Maire nous accueille sur la terrasse de la Mairie. Il consacre la journée aux affaires du village, loin de son travail à la Poste. 

    Gérard Dubois croit fermement à la solidarité, à l’entraide, et se rappelle encore du jour où il a décidé d’ouvrir un Centre d’accueil et d’orientation pour les réfugiés dans son village, et si celui lui semblait être une solution évidente, il lui a fallu encore persuader les habitants du village 

    « Quand le préfet m’a appelé, j’ai immédiatement dit oui » raconte-t-il.

    Si sa décision lui semblait évidente, il lui a fallu encore persuader les habitants du village. Ce ne fut pas chose aisée. Lors de la réunion publique, organisée en novembre 2015 à l’occasion de l’ouverture du Centre, il dit qu’il s’est senti comme un « taureau dans l’arène ». Les semaines suivantes, il a même reçu des menaces de mort. Mais la solidarité était plus forte et jusqu’à aujourd’hui il n’a pas regretté sa décision.

    « Se rencontrer et apprendre à se connaître change tout. C’est aussi simple que ça. »

     « La haine ça fait du bruit. La solidarité c’est silencieux, mais c’est terriblement efficace et mobilisateur. »

    « C’est difficile d’accepter que les personnes que l’on connaît n’ont pas les mêmes valeurs. Mais j’ai aussi découvert tellement de solidarité. J’aurais démissionné si je m’étais heurté à un refus pour l’ouverture du CAO ».

    Le Maire est convaincu que l’appréhension et les craintes des habitants, nourries par leur méconnaissance des réfugiés, ont disparu une fois qu’ils les ont rencontrés. « Se rencontrer et apprendre à se connaître change tout. C’est aussi simple que ça. »

    Avant de conclure : « Je ne les appelle pas des réfugiés, je les appelle nos invités ».

       La travailleuse sociale

    Angélique Libeyre est une travailleuse sociale  de Forum réfugiés–Cosi, l’ONG responsable de la gestion du centre à Pessat-Villeneuve. Elle informe les demandeurs d’asile sur leurs droits et sur les procédures d’asile en France.

    « C’est un temps nécessaire pour les personnes hébergées dans le centre » dit-elle. « Cela leur donne l’opportunité d’avoir un moment de répit et de réfléchir à la suite de leur parcours migratoire tout en bénéficiant des bonnes informations. »

    Son bureau, situé dans le CAO de Pessat-Villeneuve, n’est jamais vide.

    Elle vient d’apprendre que 20 personnes accueillies ont reçu le statut de réfugié. « Maintenant nous devons penser aux prochaines étapes et préparer leur départ du centre, » ajoute-t-elle.

    Angélique aime son travail, mais admet qu’il peut s’avérer difficile, en l’absence de moyens suffisants pour répondre à la demande. « Par exemple, nous n’avons pas toujours d’interprète pour accompagner les réfugiés chez le docteur » précise-t-elle.

    Le soutien psychologique est aussi essentiel, mais souffre du manque de ressources.  

    La retraitée

    Brigitte est une bénévole du centre. Enseignante retraitée, elle donne des cours de français aux réfugiés et est également responsable de la boutique de vêtements. Elle a été la première à se porter volontaire pour aider, lors de la réunion publique organisée par le maire pour l’ouverture du centre.

     « Quand j’ai vu qu’il y avait des appréhensions, de la peur qui régnait dans le village, j’ai aussitôt eu un élan pour dire que nous étions là pour aider, que la France est une terre d’asile pour les réfugiés depuis très longtemps” dit-elle. “J’ai posé une seule question : de quoi ont-ils besoin ? ».

    Brigitte a ouvert une boutique de vêtements, avec l’aide du Secours populaire français et du Secours catholique, ainsi que grâce aux dons des particuliers et des magasins locaux. Brigitte trouve le temps passé au centre gratifiant.

    Pour elle, être volontaire était un geste naturel. « Quand on voit cette motivation pour apprendre, cette envie d’apprendre, on redouble d’énergie » dit-elle. « Je me souviens, dans mes classes parfois, les enfants soupiraient, tandis que ces personnes ont une telle envie de s’intégrer, contrairement à ce qu’on entend souvent. »

    Elle est persuadée qu’il est essentiel de continuer à aider et à discuter.  «  A force d’en parler, quand on explique, on raconte, on touche un plus grand nombre de personnes.”

      « Ils ont réalisé que dans certains pays, les enfants ont peur que des bombes leur tombent sur la tête » raconte Sandrine Menuge.  

    La maîtresse

    Sandrine Menuge est la Directrice de l’école primaire de Pessat-Villeneuve depuis l’année 2000 et a vu l’arrivée des réfugiés dans le village comme une opportunité de parler de diversité avec les enfants de sa classe.

    Elle a initié un projet consistant à trouver 100 visages d’enfants à travers le monde en 100 jours.

    « Nous avons cherché des photos pour savoir d’où ces enfants venaient, à quoi ils ressemblaient, comment ils vivaient. » Les enfants ont réagi spontanément à l’exercice : « Ils ne pouvaient pas imaginer qu’il y ait des enfants qui n’avaient pas de télévision, ni de voiture. »

    « J’espère les avoir sensibilisés à la diversité et à l’ouverture sur les autres. C’est bien de semer de petites graines ».

    Ils ont aussi compris pourquoi les réfugiés avaient dû partir de chez eux. « Ils ont réalisé que dans certains pays, les enfants ont peur que des bombes leur tombent sur la tête. C’était un très beau moment de partage. »

    En parlant aux enfants, elle a aussi atteint les parents. Certains étaient inquiets, mais j’ai aussi reçu des messages de soutien de parents qui étaient contents que leurs enfants puissent découvrir et comprendre de nouvelles choses. J’espère les avoir sensibilisés à la diversité et à l’ouverture sur les autres. C’est bien de semer de petites graines. L’affectif c’est très important à cet âge-là. »

      « A Calais, il y avait des rixes tous les jours. Ici, nous sommes logés dans des maisons, et non des tentes “, explique Naseer.

    L’athlète

    Naseer, 25 ans, a fui l’Afghanistan jusqu’à l’Europe, en parcourant les routes et les mers à travers plusieurs pays. Il est réticent à raconter son histoire, préférant se concentrer sur sa vie à Pessat-Villeneuve et ses rêves d’avenir. Ceux-ci peuvent se résumer en un seul mot : cricket.

    Il dit qu’il est heureux d’avoir été accueilli dans le village. “Pessat est agréable,” dit-il. “A Calais, il y avait des rixes tous les jours. Ici, nous sommes logés dans des maisons, et non des tentes.”

    Dès qu’il peut, Naseer court 15 km chaque matin et participe aussi à des compétitions. Au début du mois de mars, il a pris part à une course de 13 kilomètres organisée par Volvic à travers les volcans du Massif central, et a fini 115ème sur 500 participants.

    Cependant, le cricket demeure son premier amour. « Les gens d’ici ne connaissent pas le cricket, » dit-il. « Ils aiment le football. »

    Néanmoins, il a découvert un club de cricket à Clermont Ferrand sur lequel il compte se pencher. Son but est de développer une équipe nationale française de cricket. “Le cricket est un très bon sport. Le football lui est dangereux - on court trop.”

    Naseer compte retourner en Afghanistan lorsqu’il pourra y vivre en paix et qu’il n’y aura plus de conflits. « Il y a des bombardements tous les jours. Je m’inquiète pour l’Afghanistan. »

    L’étudiant

    Amir, 27 ans, a fui l’Afghanistan pour arriver à Calais, d’où il espérait pouvoir partir au Royaume-Uni, afin de rejoindre la communauté Afghane qui y est établie, mais il a finalement décidé de rester en France.

    En Afghanistan, où Amir a étudié en tant qu’infirmier, la guerre a rendu la vie impossible. « Pourquoi des gens viendraient en Europe en marchant pendant des mois - des femmes, des enfants - si ce n’est pour fuir la guerre? »

    Il a voyagé à pied, en camion et en bateau, par tous les moyens possibles, dit-il.

    « Je me sens mieux maintenant, » ajoute-t-il. « J’ai un hébergement, j’ai des amis. Il y a des bonnes personnes ici. C’est important que les gens comprennent pourquoi nous sommes ici. Nous sommes des réfugiés. Je ne veux pas dépendre de l’assistance de l’Etat. Je veux commencer à vivre pour moi. »

    Il dit qu’il espère reprendre ses études et continuer sa vie en France. « Je veux vivre chaque jour de ma vie ».

     

     


  • Commentaires

    1
    Jeudi 4 Mai 2017 à 21:21

    C'est un bel exemple ; il est plus facile de réussir un rassemblement lorsque les intervenants sont moins nombreux. Il y a des relations plus individuelles et l'amitié peut s'installer. Mais il est vrai que là ils ont fait fort, avec 136 personnes accueillies.

    2
    Vendredi 5 Mai 2017 à 07:19

    on met tellement l'accent sur les peurs, et si peu sur ces expériences positives qui nous montrent le bonheur d'aider ... tu fais bien de nous raconter ce "moment" de vie en ce village libéré de ses frayeurs et acquis désormais aux valeurs humaines qui ont toujours caractérisé la France !

    Bravo et amitié .

    3
    Vendredi 5 Mai 2017 à 11:23
    Edmée De Xhavée

    C'est vrai que les rencontrer leur donne une réalité, ce n'est plus une masse indistincte, "les réfugiés" (étrangers, qui nous inquiètent, vont nous envahir etc...) mais des  gens. Celui qui a de si beaux yeux, la dame si maigre, le vieux monsieur qui donne à manger aux pigeons, la jeune fille qui commence à parler le français et se met à rire... soudain, ils sont "quelqu'un". 

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